Récit de la transition : Réorganisation du travail

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Définition

Définition : Nous trouvons un équilibre entre le travail et la vie personnelle.

La notion d’équilibre entre le travail et la vie personnelle a été nommée à plusieurs reprises. « C’est le fait de se sentir compétent dans ses  principaux rôles et [d’être] capable de les gérer de façon harmonieuse » (Gazette uOttawa, 2020). Dans le cadre de cette idée d’équilibre, il y a un enjeu d’épanouissement  et de justice sociale tant personnel que collectif qui touche notre rapport au temps et au travail, et nos rythmes différents.


Ce qu’on déconstruit

Déconstruction : Nous vivons dans un monde qui valorise l’hyperactivité professionnelle.

Nous vivons dans un monde qui valorise l'hyperactivité professionnelle, avec l’idée que plus nous travaillons, plus nous sommes de “bons citoyens” car nous contribuons à l'essor économique. Notre identité est définie par la culture de la performance dans une société compétitive : le monde du travail exige l’excellence, l’évaluation, la comparaison. Il est mieux vu d’être sur-occupé que sous-occupé. Le travail se mesure au nombre d’heures travaillées, et nous nous définissons principalement par le travail dans la société : si nous ne travaillons pas, nous avons le sentiment de ne servir à rien. Le système politique maintient un cadre “autoritaire” vis-à-vis du rythme et du travail. Le travail est organisé sous une forme pyramidale tant au sein de l’entreprise que dans sa répartition géographique. Les entreprises ne sont pas situées à proximité de résidence de leurs employés et ils ont peu de pouvoir sur les décisions qui s’y prennent.

Dans le même temps, le travail est souvent assimilé à une souffrance, une obligation, un “mal nécessaire”, d’autant plus que nos emplois sont peu gratifiants, voire aliénants pour une majorité d’entre nous. Le sens du travail, ou le fait que ce soit un travail essentiel, n’a pas de valeur particulière. En outre, il existe aussi des emplois qui n’ont pas de sens : le concept a été amené par David Graeber, qui parle de “bullshit job”, forme d’emploi rémunéré qui est si totalement inutiles, superflu ou néfaste que même l’employé-e ne parvient pas à justifier son existence, bien qu’il-elle se sente obligé-e, pour honorer les termes de son contrat, de faire croire qu’il n’en est rien.

Dans cette même logique, la conciliation entre la famille, les loisirs, les activités non rémunérées et le travail sont difficiles. Peu de milieux de travail offrent la possibilité de réduire son temps de travail ou un choix d’horaires qui favorise un meilleur équilibre de vie. En outre, seul le travail rémunéré est valorisé, au contraire du travail non rémunéré, comme le bénévolat, qui assure pourtant de nombreux services essentiels pour bien des populations.

La disparité face aux salaires ou aux conditions de travail demande également aux personnes avec des bas salaires de cumuler parfois plusieurs emplois pour s’en sortir. De la même façon, l’accessibilité à l’emploi ou la reconnaissance des diplômes peut être un frein pour certaines personnes, et les questions de rythme, de prendre le temps, deviennent des enjeux de justice sociale.

Finalement, le système dans lequel nous nous trouvons ne prend pas en considération les inégalités face aux capacités individuelles. Certaines personnes sont isolées du marché du travail, et font face à des fortes discriminations économiques, car elles ne peuvent pas travailler un grand nombre d’heures à la fois ou des horaires fixes chaque jour. Cette standardisation amène les individus, soit à se conformer à un monde du travail et un mode de vie qui ne leur correspond pas, soit, à être isolés du reste de la société, faute de pouvoir “rentrer dans le moule”.


Ce à quoi on aspire

Aspiration : Chacun-e dispose du temps et des ressources pour s’organiser au plus proche de son rythme et trouve un équilibre entre le travail et la vie personnelle.

Que chacun-e trouve un sens dans son travail et/ou ses implications, actions, avec une juste reconnaissance (en termes de salaire, de diplômes, de pénibilité, de savoir-être et savoir-faire, notamment), que ce soit pour un travail rémunéré ou non. Les responsabilités et prises de décision sont partagées. Le travail essentiel est valorisé, et la pénibilité et l’utilité réelle du travail pour la société sont considérés. Les Bullshits jobs n’existent plus, nous aspirons à une société dans laquelle les gens ne travaillent pas “pour rien”. Chacun-e dispose aussi du temps et des ressources pour s’organiser au plus proche de son rythme et trouve un équilibre entre le travail et la vie personnelle. Dans cette société, il est permis de prendre du temps pour soi mais aussi pour les autres, pour la communauté.

Cela suppose la mise en place d'une économie qui valorise le bien-être des individus avant le profit. Il s’agira de sortir du rythme de vie actuel pour arriver à une forme d’organisation sociale qui permet de respecter et valoriser :

  • nos rythmes différents et de redonner une place à la liberté, à la flexibilité et à la spontanéité ;
  • notre énergie et nos besoins physiologiques, avec l’établissement d’horaires de travail qui soient respectueux de nos énergies, par exemple, en fonction des saisons ;
  • notre besoin de prendre soin de nous et des autres.


Comment on s’y rend

Changer notre rapport au travail

Nous normalisons le travail à temps partiel, par différents mécanismes : obligation des entreprises à accorder le travail à temps partiel, augmentation des salaires, répartition des rôles et responsabilités au sein de l’entreprise. Pour que cela soit accessible à tou-te-s, il s’agit d’un changement collectif, par la reconnaissance des bienfaits du travail à temps partiel pour le bien-être individuel et de la communauté. Nous transformons l’idée que le travail est la source de notre accomplissement personnel en accordant du temps à d’autres activités. Un test de semaine de 4 jours a été réalisé dans le service public islandais, et a permis de démontrer que la réduction du temps de travail augmentait le bien-être des employés, sans diminuer la productivité, voire en l’augmentant.

Favoriser des rythmes de travail flexibles

Nous levons certaines barrières systémiques au travail atypique (ex : fréquence des transports publics à des horaires imposés) pour que chacun-e puisse mieux respecter son propre rythme. Nous nous inspirerons de certaines communautés qui ont un lien différent avec le temps. Nous nous efforçons de respecter le rythme de chacun-e sans jugement et nous avons la possibilité de changer de rythme en fonction de nos besoins et de l’évolution de nos vies. Par exemple, il est de plus en plus conseillé aux milieux de travail de mettre en place des mesures de conciliation travail-famille. Le ministère de la Famille du Québec a produit un guide visant à aider les entreprises à mettre en place ces mesures. Il incite à  assurer une certaine flexibilité pour les personnes ayant des besoins particuliers, comme sortir plus tôt pour aller chercher les enfants à l’école le soir, mais aussi à fournir des jours de congés adaptés à ces besoins : congés maladie pour les enfants, congés parentaux, etc. Au besoin, le travail à distance peut être adopté pour celles et ceux qui ont des défis pour se déplacer. Cela implique de favoriser l’accès aux outils numériques par de l’accompagnement et de la formation offerte par l’entreprise.

Moyens : Des solutions sont trouvées pour s’adapter aux réalités individuelles.

Privilégier le travail utile et épanouissant

Nous ne travaillons  pas forcément pour atteindre un enrichissement matériel mais parce que nos emplois ont du sens pour nous et pour nos communautés. Nous valorisons les métiers en fonction de leur utilité sociale. Nous donnons de l’importance au temps passé en communauté plutôt qu’à la rentabilité de nos emplois rémunérés. Nous ne sommes plus soumis à des diktats de performances et nous fixons collectivement des objectifs atteignables dans nos travaux. Par exemple, l’entreprise Buurtzorg aux Pays-Bas a redéfini la façon dont les infirmières et infirmiers travaillaient auprès des aîné-e-s en favorisant la création de relations interpersonnelles qui favorisent une connaissance fine des personnes accompagnées et de leur réseau. Ce modèle s’est placé en opposition à une gestion minutée du temps de travail des employé-e-s, qui peuvent maintenant prendre le temps d’accompagner les aîné-e-s de façon plus complète et holistique. Cela a favorisé l’épanouissement des personnels de santé et une meilleure efficacité dans les soins.

Changer la culture de nos organisations

Nous transformons la culture organisationnelle dans les entreprises en adoptant des modèles de gestions différentes : autogestion, slow management, sociocratie, holacratie. Nous mettons en place des structures organisationnelles centrées sur le care. Les entreprises prennent soin de leurs employé-e-s. Nous admettons l’interdépendance des individus au sein de l'organisation et réduisons les dynamiques compétitives. Toutes les formes de contributions à la mission de l’organisation sont prises en compte, autant les savoir-être que les  savoir-faire. Nous créons des espaces sécuritaires (safe space) au sein de nos organisations, au sein desquelles nous sommes nous-même, et nous favorisons l’écoute active. Frédéric Laloux décrit par exemple le cas d’une école en Allemagne qui favorise la bienveillance entre les élèves et les professeurs, par une assemblée hebdomadaire dédiée à des prises de paroles sur les bons coups de chacun-e.

Décloisonner les tâches et partager les responsabilités

Nous nous organisons pour que les emplois aient un sens pour chacun-e d’entre nous. Nous nous répartissons les différents types d’emploi pour donner à chacun-e la chance de faire ce qu’il aime, et partager les travaux plus pénibles ou contraignants. Les relations professionnelles sont plus organiques et moins hiérarchiques. Chacun-e a une place dans la prise de décision, en fonction de ses compétences, de ses désirs et des implications des décisions sur son travail au quotidien, plus d’autonomie est donnée aux personnes. Frédéric Laloux décrit plusieurs organisations qui fonctionnent avec des structures non-hiérarchiques. Solon a récemment adopté une structure de travail par cercle au sein de laquelle les décisions se prennent collectivement. Chaque cercle gère un enjeu ou un thématique transversale, les employés sont membres des cercles qui touchent directement à leurs rôles et responsabilités. Tout le monde peut prendre n’importe quelles décisions, même les décisions budgétaires pour autant que l’ensemble des personnes concernées dans l’équipe soit consulté.

Valoriser nos savoirs et savoir-faire

Nous accordons un prix juste aux  expertises et savoir-faire de chacun-e, pour permettre à tout le monde de travailler moins et de pouvoir subvenir à ses besoins. Cela implique de réduire la hiérarchisation des emplois et des tâches. Les salaires sont tous évalués sur la même grille horaire, quel que soit l’emploi occupé. Nous nous inspirons des pratiques de gestion horizontale des entreprises pour évaluer collectivement le tarif horaire. À titre d’exemple, Solon a mis en place une organisation horizontale au sein de ses équipes de travail.  Celles-ci décident collectivement d’un salaire fixe pour tous les membres de l’équipe en fonction des capacités financières de l’organisation.