« Récit de la transition : Collaboration et coopération » : différence entre les versions
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Définition
Derrière la collaboration et la coopération, il y a l’idée de travailler et vivre ensemble, de poursuivre des objectifs communs allant dans le sens de l’intérêt général, pour améliorer la qualité de vie de tous et toutes. Le mutualisme, la complémentarité, l’interdépendance, la propriété collective, sont tous des concepts reliés à la collaboration et à la coopération.
Ce qu’on déconstruit
Notre société capitaliste est caractérisée par une idéologie de performance individuelle, tant dans le monde du travail que dans l’éducation. Dès notre plus jeune âge, le système éducatif nous enseigne un modèle de compétition, que l’on reproduit ensuite tout au long de notre vie, qui exige l’excellence, l’évaluation et la comparaison. Notre société implique également un besoin de productivité constant : la valeur d’un individu (sa qualité) se mesure à sa productivité. Certaines représentations sociales sont fortement ancrées en nous : il est normal de se sacrifier au travail et socialement accepté de ne pas s’y sentir bien, la valeur du travail est supérieure à notre bien-être. Notre valeur se mesure par l’emploi occupé et ce qu’on y accomplit (valeur identitaire du travail), et notre identité est reliée à notre performance au travail (culture de performance). Ainsi, à l’échelle individuelle, notre société encourage les comportements individualistes (comme le montre la tendance au développement personnel dans les classes privilégiées par exemple). Dans le monde des affaires, la concurrence et la compétition sont les maîtres-mots pour améliorer la productivité entre entreprises. Alors que les grandes entreprises forment souvent des monopoles et évitent parfois la concurrence, ce sont les travailleurs à travers le monde (baisse de la valeur du travail), les États (avantages fiscaux), et les sous-traitants (production la moins chère possible) qui sont mis en concurrence.
Ce à quoi on aspire
La collaboration et la coopération se retrouvent au cœur de nos milieux de vie : chaque personne y contribue à sa mesure et a un pouvoir. Les citoyen-ne-s ont du temps pour s’engager, contribuer à la société, et s’investir pour la communauté, penser et créer des systèmes alternatifs avec leur collectivité. Chaque activité se fait en collaboration avec le reste de la communauté. Du temps est alloué à l’engagement social afin de contribuer à la prospérité et l’amélioration de notre bien-être et de notre milieu de vie. Notre économie doit participer à la création et au renforcement de liens sociaux. Des espaces sont permis pour encourager la démocratie participative, c’est-à-dire renforcer la participation des citoyen-ne-s à la prise de décision politique (comme les processus de budget participatif, où les citoyen-ne-s peuvent voter pour décider de l’allocation d’une partie du budget municipal pour un projet qui leur plaît). La démocratie dans les entreprises privées se répand : les responsabilités et décisions sont partagées, réparties différemment, et elles impliquent les employé-e-s à différents niveaux. Nous aspirons donc à un changement de valeur et de culture où la collaboration prévaudra sur l’appât du gain.
Comment on s’y rend
Opérer un changement culturel: éduquer à la collaboration et la coopération
La collaboration et la coopération rentreront dans nos habitudes si nous y sommes sensibilisés et éduqués. Dans le système éducatif, et ce dès le plus jeune âge, nous devrions être éduqué-e-s à l’entraide, et apprendre à se faire confiance les un-e-s les autres. Cela passe par la mise en place de pédagogies centrées sur l’apprentissage en groupe, par exemple. Dans les programmes scolaires et universitaires, non seulement nous enseignons des modèles et initiatives alternatives, mais nous proposons de nouvelles manières d’apprendre par exemple par la mise en place de projets répondant aux besoins de la communauté.
Décider ensemble, en intelligence collective
Au delà des institutions éducatives, l’intelligence collective et le travail en collaboration doivent être mis de l’avant dans toutes les sphères de notre société, et on peut mettre en place des processus collectifs de réflexion et de prise de décision (au sein d’organisations, dans les instances municipales, etc.) qui permettent d’inclure tout un chacun, et notamment des personnes marginalisées (ce qui implique plus de moyens, et une ouverture à l’autre). Les budgets participatifs ou les exercices de consultation citoyenne sont des exemples de dispositifs pouvant favoriser la sensibilisation des citoyen-ne-s à la coopération dans la prise de décision. Par exemple, le programme Projets Participatifs Citoyens, qui vise à renforcer la démocratie locale en permettant aux résidents de Rosemont-La Petite-Patrie d’élaborer ensemble des projets pour améliorer leur milieu de vie.
Populariser les bienfaits du travail en collaboration
Dans le récit collectif, nous démontrons les intérêts, les bénéfices, ou encore les impacts positifs du travail en collaboration. Toutes les innovations et les progrès réalisés sont le fait de plusieurs personnes : au lieu de mettre de l’avant la personne-idéatrice, nous faisons connaître toutes les personnes ayant contribué à la réalisation de nos projets. Le Projet d’aménagement du Nord-Est conduit par la Table de quartier de Montréal-Nord et l’arrondissement de Montréal-Nord est un exercice intéressant de travail collaboratif entre acteurs aux rôles, responsabilités et intérêts variés. Les organismes communautaires du quartier et l’administration publique ont mené conjointement une démarche d’urbanisme participatif. Le comité de coordination du projet est composé d’acteurs variés, dotés des expertises nécessaires. Les contributions de chacun-e dans le projet sont reconnues par l’ensemble des partenaires (Heck, Manon et Monier, 2020).
Remettre la coopération et la collaboration au centre de nos entreprises
Notre économie s'appuie sur les principes de l’économie sociale et de l’économie de partage. La majorité des échanges se font au travers de réseaux communautaires et locaux qui permettent de renforcer la collaboration. Le profit (gagner ou faire gagner à l’entreprise un maximum d’argent) n’est plus l’objectif poursuivi par cette économie. Nos entreprises visent avant tout à répondre aux besoins de nos communautés, et adoptent des modèles d'affaires reposant sur l’association de personnes, qui coopèrent dans une logique de création de richesse collective. Cela se traduit aussi par la mise en place de modèles de gouvernance démocratique au sein des entreprises et une représentation équitable des employé-e-s dans les instances privées. Par exemple, le domaine de l’économie sociale et solidaire regroupe plusieurs modes d’organisation d’équipe ou de structure, qui vise à réduire ou supprimer la concentration des pouvoirs entre les mains d’un petit nombre de personnes, pour les répartir parmi celles qui réalisent le travail. Dans les coopératives, le « mode de gouvernance repose sur la volonté de privilégier les relations de coopération et de développer l’autonomie des membres, notamment par la répartition des responsabilités » (Avise, 2021 ; Wikipédia, 2022).
En France, l’entreprise Scop-Ti (Marseille) est née suite à une lutte sociale de 1336 jours contre la délocalisation de l’usine de thé par le géant de l’agroalimentaire Unilever. Les ouvriers se sont constitués en société coopérative pour opérer le site industriel. Aujourd’hui cette entreprise a adopté une gouvernance démocratique (un membre = un vote) et les principes de l’économie sociale et solidaire en créant des emplois pour la communauté et en préservant les savoir-faire locaux. Les membres-salariés de la coopérative ont aussi fait le choix de réduire au maximum l'empreinte carbone de leur production en favorisant la distribution sur circuits-courts, le commerce équitable et biologique pour l’approvisionnement en thé et auprès des producteurs locaux pour les infusions. La mise en place de ce projet repose depuis ses débuts sur la collaboration et la coopération entre les ouvriers ayant mené la lutte sociale, mais aussi le soutien des autres acteurs du territoire (municipalité, syndicats, résidents du village, etc.) et c’est sur la coopération et la collaboration que se fonde leur fonctionnement, entre eux, au sein de l’entreprise, et avec leurs partenaires.
Partager nos ressources
Au niveau individuel nous développons des outils et des réseaux locaux pour partager nos ressources. Par exemple, par des systèmes de troc ou d’échanges entre voisin-e-s. À Montréal, le projet Locomotion favorise le partage de véhicules entre résident-e-.s d’un même milieu de vie. Nous pouvons aussi partager des terres, pour développer l’agriculture urbaine comme au travers du projet Partage Ta Terre conduit par Solon. Un autre moyen d’échanger et de partager est la mise en place de systèmes d’échanges de services, comme les Accorderies qui visent à mettre en relation des personnes ayant besoin de services ponctuels (aide pour le ménage ou le jardinage, déménagement, cours de couture, etc.) avec des personnes pouvant les donner, en échange d’une monnaie en temps (1 heure = 1 heure).
Partager nos idées et nos pratiques
Plus largement, la collaboration passe par le partage d’idées, l’inspiration, le partage de bonnes pratiques. Nous créons des communautés de pratiques entre entreprises, organisations et entre personnes, pour favoriser la circulation des idées et des pratiques. Créer des réseaux de partage de connaissances apparaît comme un principe fondamental pour permettre à la collaboration d’émerger et de remplacer la compétition. Ces réseaux permettent d’encourager et de valoriser différentes formes de collaboration, de faire ensemble et d’agir ensemble. Le projet Collectivités Zen du Front Commun pour la Transition Énergétique rassemble des acteurs socio-économiques variés autour de projets de transition écologique répondant aux besoins de leur territoire. Ce projet vise notamment à favoriser l’échange et la collaboration entre des acteurs peu habitués à œuvrer dans un objectif commun. Le Grand Dialogue Régional pour la transition écologique du Saguenay-Lac Saint-Jean est un de ces chantiers Zen. Il vise à créer un dialogue entre les différents acteurs du territoire, pour produire un récit de la transition pour le territoire.