« Repenser la logistique urbaine pour une mobilité et des choix de consommation de proximité » : différence entre les versions

De Wiki des possibles
Aller à :navigation, rechercher
()
Ligne 1 : Ligne 1 :
== Résumé exécutif ==
== Résumé exécutif ==
Nos habitudes de consommation sont à l’origine des déplacements de marchandises. Ce rapport montre à quel point il est important de trouver des solutions qui permettent d’adresser ces habitudes, ainsi que les enjeux racines.
Les prévisions de croissance de la livraison du World Economic Forum pour 2030 (+36% des véhicules de livraison en ville, +30% des émissions de gaz), nous laissent croire qu’ignorer les habitudes de consommation, à l’origine du flux de marchandise, et ne s’intéresser qu’à la gestion du dernier km pourrait au mieux permettre d’atténuer les impacts d’une partie de la croissance de la logistique qui sont de trois natures :
* économique : congestion, entretien de la voirie, inefficacité du dernier km
* environnementale : émission de GES et pollution de l’air, occupation des sols, augmentation des déchets
* sociale : santé physique, sécurité des réseaux, quiétude, perte de lien social, nuisance sur la qualité de vie, précarité des emplois de la livraison ...
Ce rapport élargit donc la réduction des impacts de la logistique durable à l’étape la plus en amont qui est la décision d’achat et examine deux catégories de leviers : les leviers ciblant le consommateur et les leviers ciblant le dernier km.
Les leviers les plus puissants pour atténuer les impacts de la logistique sur un quartier relèvent des choix et du cadre réglementaire dans lequel évolue le consommateur lors de ses décisions d’achat : comment est fabriqué et d’où vient le produit (80% de l’impact carbone d’un bien de consommation est lié à sa production en moyenne) et comment il prend possession de son achat : en magasin ou par livraison à domicile. Les deux modèles dominants actuellement sont :
* le modèle de l’achat en centre commercial en périphérie construit autour d’un accès en automobile
* la livraison à domicile
Lorsqu’il n’est pas compulsif (achats répétés) et impatient (livraison le même jour), l’achat avec livraison à domicile semble plus efficace en émission de GES que le modèle d’achat au magasin, puisque dans ce cas l’essentiel du bilan carbone est lié à la voiture individuelle qui se déplace en périphérie.
Nous émettons donc l’hypothèse que renforcer la consommation locale à l’échelle du quartier, sous réserve de se déplacer autrement que seul en auto, aurait un impact environnemental bien meilleur que les modèles dominants, tout en ayant des impacts sociaux positifs (échange avec les commerçants, rencontres avec les voisins lors des déplacements dans le quartier, emplois locaux de qualité). Les nouveaux moyens de déplacement actifs et durables (vélos cargos, remorques...) y jouent un rôle important, pour pouvoir se déplacer localement et amener des marchandises plus lourdes chez soi.
Les leviers d’amélioration du dernier km, qu’il s’agisse de développer des hubs de transbordement urbain, de développer la cyclologistique, d’électrifier les flottes de véhicules, etc. n’auront d’effet notable que s’ils sont assortis d’une réglementation claire et dans une perspective de long terme de la ville.
Nos recommandations s’articulent autour d’un travail de fond sur le volet commerces et consommateurs :
# Analyser davantage l’impact du commerce de proximité comme vecteur de transition socio-écologique
# Informer et mobiliser le citoyen - consommateur
# Expérimenter une réglementation favorisant la logistique urbaine durable
# Mettre en œuvre des projets pilotes pour favoriser l’accès au commerce de proximité en mobilité durable et active.


== Contexte ==
== Contexte ==
=== Identifier les principaux impacts de la logistique urbaine sur la vie en ville, en lien avec les nouvelles habitudes de consommation tirées par le commerce en ligne. ===
L’essor du e-commerce, accéléré par la pandémie de COVID-19, fait émerger de nouvelles habitudes de consommation et entraîne un effet démultiplicateur sur le nombre de livraisons et de véhicules de livraison en milieu urbain.
[[Fichier:Crédits photos - Audrey McMahon-Solon.png|vignette|Crédits photos : Audrey McMahon/Solon]]
Si la consommation et le transport de marchandises jouent un rôle pour subvenir à nos besoins plus ou moins essentiels, il semble nécessaire d’examiner les ressorts favorables à une approche ancrée dans la transition socio-écologique. La prise de conscience collective tant sur l’urgence climatique que sur l’importance du lien social au sein de nos quartiers, impactés par les confinements successifs, offre une opportunité d’engager une réflexion en profondeur sur la définition d’une consommation et d’une logistique saine et durable.
La vitalité de quartier est un facteur majeur d’attractivité, de rétention des habitants et de liens sociaux en ville, contribuant ainsi à éviter l’étalement urbain lié à la relocalisation en banlieue, à soutenir l’économie locale et à favoriser les déplacements de proximité en modes actifs. Cette vitalité de quartier est étroitement liée aux offres et habitudes de consommation (biens/services, publics/ privés) et à la diversité de l’offre. Elle doit rester inclusive en permettant à tous types de populations de résider dans le quartier, ce qui suppose de maîtriser la pression immobilière.
Le présent rapport entend identifier les principaux impacts de la logistique urbaine sur la vie en ville, en lien avec les nouvelles habitudes de consommation tirées par le commerce en ligne. L’objectif est de mettre en perspective des leviers d’intervention et d’atténuation mobilisables à l’échelle du quartier.
Solon, organisme à but non lucratif, entend s’appuyer sur les résultats de cette étude pour mieux positionner l’enjeu consommation- logistique dans la transition socio- écologique à l’échelle du quartier.


== Logistique et e-commerce : des tendances inquiétantes pour la ville ==
== Logistique et e-commerce : des tendances inquiétantes pour la ville ==


=== L’accroissement du transport de marchandises tiré par le e-commerce ===
=== L’accroissement du transport de marchandises tiré par le e-commerce ===
Au niveau mondial, les émissions de CO2 dues aux transports sont estimées à 25%. Le transport de marchandises est croissant et compte pour 10% des émissions [https://www.the-klu.org/publications/decarbonizing-logistics-distributing-goods-in-a-lowcarbon-world-f543d/ <nowiki>[1]</nowiki>].
Cette croissance est largement tirée par l’essor du e-commerce : les livraisons dites du dernier km devraient quasiment doubler d’ici 2030 [http://www3.weforum.org/docs/WEF_Future_of_the_last_mile_ecosystem.pdf <nowiki>[2]</nowiki>].
La pandémie a accéléré la tendance vers le commerce en ligne et la numérisation des entreprises, notamment pour faciliter le télétravail. Les confinements successifs ont accru la demande de livraison à domicile, y compris de la part des commerces de proximité qui ont dû s’adapter dans l’urgence (le projet Arc-en-Ciel à Montréal en témoigne). Le quintuple des ventes en ligne pourrait ainsi être atteint avant 2028 [https://transformation-numerique.ulaval.ca/wp-content/uploads/2020/09/netendances-2018-commerce-electronique.pdf <nowiki>[3]</nowiki>] et la part du commerce en ligne dépasser les 20%. Au Canada, le commerce en ligne est ainsi passé de 4% des ventes de détail en 2019 à 10% mi-2020 [https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/45-28-0001/2020001/article/00064-fra.htm <nowiki>[4]</nowiki>] et les livraisons qui en découlent ont doublé entre février 2020 et février 2021 du fait même de la pandémie [https://www.weforum.org/press/2021/04/covid-19-has-reshaped-last-mile-logistics-with-e-commerce-deliveries-rising-25-in-2020 <nowiki>[5]</nowiki>]. Le World Economic Forum estime que les ventes en ligne ont bondi de 25% en 2020 et que cette tendance devrait se poursuivre au-delà des contraintes liées à la pandémie. '''Il projette ainsi une hausse de 36% des véhicules de livraison en ville qui pourraient accroître de 30% les émissions de gaz à effet de serre, si le scénario actuel est maintenu sans changement''' [http://www3.weforum.org/docs/WEF_Pandemic_Parcels_and_Public_Vaccination_report_2021.pdf <nowiki>[6]</nowiki>].
Ainsi, le développement du e-commerce entraîne mécaniquement un accroissement de la logistique urbaine [https://time.com/5481981/online-shopping-amazon-free-shipping-traffic-jams/ <nowiki>[7]</nowiki>]. Comme le dit le Pr José Holguin-Veras, directeur du Centre of excellence for Sustainable Urban Freight Systems, Rensselaer Polytechnic Institute: «Nous créons une livraison par camion chaque fois que nous cliquons sur cette icône tellement pratique “acheter”. Et on clique beaucoup sur ce bouton.»
Cela entraîne plusieurs externalités négatives importantes, elles aussi en croissance rapide : GES, sécurité, cohabitation entre usagers de la route, congestion routière. Certaines sont visibles à l’échelle du Québec.
De 1990 à 2018, la consommation d’énergie totale du secteur des transports a augmenté de +43 %. '''Le transport de marchandises a généré une forte croissance de consommation d’énergie avec une hausse de 54 %''' comparativement à 26 % pour l’ensemble des véhicules personnels durant la même période.
La diminution de la consommation des voitures (–18 %) a été plus que compensée par une augmentation importante de la consommation de camions légers (+210 %) en raison de la progression des ventes de ces modèles.
Le transport de marchandises et de voyageurs par camions légers sont les secteurs de transport dont la consommation est en plus forte croissance depuis 1990, soit de 205 % et 210 %, respectivement.
Cette augmentation est liée à la croissance continue de la consommation, accélérée par le commerce en ligne proposant la livraison à domicile d’un large catalogue de produits, dans un délai toujours plus court (eg. Amazon), ce qui engendre des changements de comportements d’achats. Les nuisances qui en découlent sont accentuées par l’infrastructure urbaine, et l’étalement urbain qui offrent un espace disponible limité car contraint, non adapté au point à point (typique au e-commerce), non adapté à l’afflux de camions en ville. '''De fait, même en Amérique du Nord, les villes ne sont pas conçues pour absorber les nouveaux besoins en matière de logistique urbaine.'''
À titre d’exemple, à Montréal, avant l’arrivée de la COVID-19, on prévoyait « un doublement, voire un triplement des activités de transport d’ici 30 ans [dans] certains secteurs clés comme celui de De Maisonneuve– Peel–Sainte-Catherine–Robert-Bourassa », un secteur déjà presque saturé avec un taux d’occupation moyen de 94 % pendant la journée.
L’impact des camions étant plus fort sur la congestion routière que leur place réelle dans le trafic routier (11% contre 7% au Etats-Unis [https://static.tti.tamu.edu/tti.tamu.edu/documents/mobility-report-2019.pdf <nowiki>[9]</nowiki>] en moyenne), plusieurs villes nord-américaines ont entrepris de mettre en place une stratégie de logistique urbaine visant à en limiter les nuisances, comme Seattle ou New York. Il s’agit notamment de mieux organiser la voirie, les espaces de stationnement et les relais d’entreposage pour limiter les problèmes liés aux camions bloqués dans le trafic ou bloquant eux-mêmes le trafic et les risques associés aux accidents de la route et à la qualité de l’air.
Les entreprises de livraison ou de e-commerce se sont également attelées à la réduction de leurs impacts sur la ville, soit par anticipation ou confrontation à la réglementation (c’est le cas en Europe avec notamment les zones à faible émission ou la configuration des villes) soit par volonté de réduire les coûts disproportionnés associés à la livraison du dernier km (30 à 60% [http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/PAGE/ARROND_VMA_FR/MEDIA/DOCUMENTS/00000COLIBRI%20FICHE%20TECHNIQUE%20V3.PDF <nowiki>[10]</nowiki>] !). Si la cyclo-logistique se développe largement, freinée aujourd’hui par la pénurie de vélos cargo, certains milieux d’affaires misent sur le développement à moyen terme de la livraison par drones et l’optimisation des circuits de livraison par l’intelligence artificielle. Ainsi à l’horizon de 2026, McKinsey projette par exemple que plus des ¾ des livraisons du dernier km seront fait de véhicules autonomes incluant les drones, 100% s’agissant des livraisons à domicile [https://www.mckinsey.com/~/media/mckinsey/industries/travel%20logistics%20and%20infrastructure/our%20insights/how%20customer%20demands%20are%20reshaping%20last%20mile%20delivery/parcel_delivery_the_future_of_last_mile.pdf <nowiki>[11]</nowiki>] ! Il s’agit d’une vision technocentrée qui propose une réponse à la congestion, à la substitution des véhicules thermiques, au coût ou à la rareté de la main- d’œuvre dans le secteur des transports mais surtout au coût du dernier km pour les logisticiens.
'''Pour autant, en prenant en compte les prévisions de croissance du World Economic Forum pour 2030 (+36% des véhicules de livraison en ville, +30% les émissions de gaz), ignorer les habitudes de consommation, à l’origine du flux de marchandise, en ne s’intéressant qu’à la gestion du dernier km, pourrait au mieux permettre d’absorber la croissance du e-commerce mais sans résoudre les problèmes actuels [https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/104000665.pdf <nowiki>[12]</nowiki>].'''


=== Comprendre l’impact de la consommation sur la logistique urbaine ===
=== Comprendre l’impact de la consommation sur la logistique urbaine ===

Version du 8 janvier 2022 à 13:46

Résumé exécutif

Nos habitudes de consommation sont à l’origine des déplacements de marchandises. Ce rapport montre à quel point il est important de trouver des solutions qui permettent d’adresser ces habitudes, ainsi que les enjeux racines.

Les prévisions de croissance de la livraison du World Economic Forum pour 2030 (+36% des véhicules de livraison en ville, +30% des émissions de gaz), nous laissent croire qu’ignorer les habitudes de consommation, à l’origine du flux de marchandise, et ne s’intéresser qu’à la gestion du dernier km pourrait au mieux permettre d’atténuer les impacts d’une partie de la croissance de la logistique qui sont de trois natures :

  • économique : congestion, entretien de la voirie, inefficacité du dernier km
  • environnementale : émission de GES et pollution de l’air, occupation des sols, augmentation des déchets
  • sociale : santé physique, sécurité des réseaux, quiétude, perte de lien social, nuisance sur la qualité de vie, précarité des emplois de la livraison ...

Ce rapport élargit donc la réduction des impacts de la logistique durable à l’étape la plus en amont qui est la décision d’achat et examine deux catégories de leviers : les leviers ciblant le consommateur et les leviers ciblant le dernier km.

Les leviers les plus puissants pour atténuer les impacts de la logistique sur un quartier relèvent des choix et du cadre réglementaire dans lequel évolue le consommateur lors de ses décisions d’achat : comment est fabriqué et d’où vient le produit (80% de l’impact carbone d’un bien de consommation est lié à sa production en moyenne) et comment il prend possession de son achat : en magasin ou par livraison à domicile. Les deux modèles dominants actuellement sont :

  • le modèle de l’achat en centre commercial en périphérie construit autour d’un accès en automobile
  • la livraison à domicile

Lorsqu’il n’est pas compulsif (achats répétés) et impatient (livraison le même jour), l’achat avec livraison à domicile semble plus efficace en émission de GES que le modèle d’achat au magasin, puisque dans ce cas l’essentiel du bilan carbone est lié à la voiture individuelle qui se déplace en périphérie.

Nous émettons donc l’hypothèse que renforcer la consommation locale à l’échelle du quartier, sous réserve de se déplacer autrement que seul en auto, aurait un impact environnemental bien meilleur que les modèles dominants, tout en ayant des impacts sociaux positifs (échange avec les commerçants, rencontres avec les voisins lors des déplacements dans le quartier, emplois locaux de qualité). Les nouveaux moyens de déplacement actifs et durables (vélos cargos, remorques...) y jouent un rôle important, pour pouvoir se déplacer localement et amener des marchandises plus lourdes chez soi.

Les leviers d’amélioration du dernier km, qu’il s’agisse de développer des hubs de transbordement urbain, de développer la cyclologistique, d’électrifier les flottes de véhicules, etc. n’auront d’effet notable que s’ils sont assortis d’une réglementation claire et dans une perspective de long terme de la ville.

Nos recommandations s’articulent autour d’un travail de fond sur le volet commerces et consommateurs :

  1. Analyser davantage l’impact du commerce de proximité comme vecteur de transition socio-écologique
  2. Informer et mobiliser le citoyen - consommateur
  3. Expérimenter une réglementation favorisant la logistique urbaine durable
  4. Mettre en œuvre des projets pilotes pour favoriser l’accès au commerce de proximité en mobilité durable et active.

Contexte

Identifier les principaux impacts de la logistique urbaine sur la vie en ville, en lien avec les nouvelles habitudes de consommation tirées par le commerce en ligne.

L’essor du e-commerce, accéléré par la pandémie de COVID-19, fait émerger de nouvelles habitudes de consommation et entraîne un effet démultiplicateur sur le nombre de livraisons et de véhicules de livraison en milieu urbain.

Crédits photos : Audrey McMahon/Solon

Si la consommation et le transport de marchandises jouent un rôle pour subvenir à nos besoins plus ou moins essentiels, il semble nécessaire d’examiner les ressorts favorables à une approche ancrée dans la transition socio-écologique. La prise de conscience collective tant sur l’urgence climatique que sur l’importance du lien social au sein de nos quartiers, impactés par les confinements successifs, offre une opportunité d’engager une réflexion en profondeur sur la définition d’une consommation et d’une logistique saine et durable.

La vitalité de quartier est un facteur majeur d’attractivité, de rétention des habitants et de liens sociaux en ville, contribuant ainsi à éviter l’étalement urbain lié à la relocalisation en banlieue, à soutenir l’économie locale et à favoriser les déplacements de proximité en modes actifs. Cette vitalité de quartier est étroitement liée aux offres et habitudes de consommation (biens/services, publics/ privés) et à la diversité de l’offre. Elle doit rester inclusive en permettant à tous types de populations de résider dans le quartier, ce qui suppose de maîtriser la pression immobilière.

Le présent rapport entend identifier les principaux impacts de la logistique urbaine sur la vie en ville, en lien avec les nouvelles habitudes de consommation tirées par le commerce en ligne. L’objectif est de mettre en perspective des leviers d’intervention et d’atténuation mobilisables à l’échelle du quartier.

Solon, organisme à but non lucratif, entend s’appuyer sur les résultats de cette étude pour mieux positionner l’enjeu consommation- logistique dans la transition socio- écologique à l’échelle du quartier.

Logistique et e-commerce : des tendances inquiétantes pour la ville

L’accroissement du transport de marchandises tiré par le e-commerce

Au niveau mondial, les émissions de CO2 dues aux transports sont estimées à 25%. Le transport de marchandises est croissant et compte pour 10% des émissions [1].

Cette croissance est largement tirée par l’essor du e-commerce : les livraisons dites du dernier km devraient quasiment doubler d’ici 2030 [2].

La pandémie a accéléré la tendance vers le commerce en ligne et la numérisation des entreprises, notamment pour faciliter le télétravail. Les confinements successifs ont accru la demande de livraison à domicile, y compris de la part des commerces de proximité qui ont dû s’adapter dans l’urgence (le projet Arc-en-Ciel à Montréal en témoigne). Le quintuple des ventes en ligne pourrait ainsi être atteint avant 2028 [3] et la part du commerce en ligne dépasser les 20%. Au Canada, le commerce en ligne est ainsi passé de 4% des ventes de détail en 2019 à 10% mi-2020 [4] et les livraisons qui en découlent ont doublé entre février 2020 et février 2021 du fait même de la pandémie [5]. Le World Economic Forum estime que les ventes en ligne ont bondi de 25% en 2020 et que cette tendance devrait se poursuivre au-delà des contraintes liées à la pandémie. Il projette ainsi une hausse de 36% des véhicules de livraison en ville qui pourraient accroître de 30% les émissions de gaz à effet de serre, si le scénario actuel est maintenu sans changement [6].

Ainsi, le développement du e-commerce entraîne mécaniquement un accroissement de la logistique urbaine [7]. Comme le dit le Pr José Holguin-Veras, directeur du Centre of excellence for Sustainable Urban Freight Systems, Rensselaer Polytechnic Institute: «Nous créons une livraison par camion chaque fois que nous cliquons sur cette icône tellement pratique “acheter”. Et on clique beaucoup sur ce bouton.» Cela entraîne plusieurs externalités négatives importantes, elles aussi en croissance rapide : GES, sécurité, cohabitation entre usagers de la route, congestion routière. Certaines sont visibles à l’échelle du Québec. De 1990 à 2018, la consommation d’énergie totale du secteur des transports a augmenté de +43 %. Le transport de marchandises a généré une forte croissance de consommation d’énergie avec une hausse de 54 % comparativement à 26 % pour l’ensemble des véhicules personnels durant la même période.

La diminution de la consommation des voitures (–18 %) a été plus que compensée par une augmentation importante de la consommation de camions légers (+210 %) en raison de la progression des ventes de ces modèles.

Le transport de marchandises et de voyageurs par camions légers sont les secteurs de transport dont la consommation est en plus forte croissance depuis 1990, soit de 205 % et 210 %, respectivement.

Cette augmentation est liée à la croissance continue de la consommation, accélérée par le commerce en ligne proposant la livraison à domicile d’un large catalogue de produits, dans un délai toujours plus court (eg. Amazon), ce qui engendre des changements de comportements d’achats. Les nuisances qui en découlent sont accentuées par l’infrastructure urbaine, et l’étalement urbain qui offrent un espace disponible limité car contraint, non adapté au point à point (typique au e-commerce), non adapté à l’afflux de camions en ville. De fait, même en Amérique du Nord, les villes ne sont pas conçues pour absorber les nouveaux besoins en matière de logistique urbaine.

À titre d’exemple, à Montréal, avant l’arrivée de la COVID-19, on prévoyait « un doublement, voire un triplement des activités de transport d’ici 30 ans [dans] certains secteurs clés comme celui de De Maisonneuve– Peel–Sainte-Catherine–Robert-Bourassa », un secteur déjà presque saturé avec un taux d’occupation moyen de 94 % pendant la journée.

L’impact des camions étant plus fort sur la congestion routière que leur place réelle dans le trafic routier (11% contre 7% au Etats-Unis [9] en moyenne), plusieurs villes nord-américaines ont entrepris de mettre en place une stratégie de logistique urbaine visant à en limiter les nuisances, comme Seattle ou New York. Il s’agit notamment de mieux organiser la voirie, les espaces de stationnement et les relais d’entreposage pour limiter les problèmes liés aux camions bloqués dans le trafic ou bloquant eux-mêmes le trafic et les risques associés aux accidents de la route et à la qualité de l’air.

Les entreprises de livraison ou de e-commerce se sont également attelées à la réduction de leurs impacts sur la ville, soit par anticipation ou confrontation à la réglementation (c’est le cas en Europe avec notamment les zones à faible émission ou la configuration des villes) soit par volonté de réduire les coûts disproportionnés associés à la livraison du dernier km (30 à 60% [10] !). Si la cyclo-logistique se développe largement, freinée aujourd’hui par la pénurie de vélos cargo, certains milieux d’affaires misent sur le développement à moyen terme de la livraison par drones et l’optimisation des circuits de livraison par l’intelligence artificielle. Ainsi à l’horizon de 2026, McKinsey projette par exemple que plus des ¾ des livraisons du dernier km seront fait de véhicules autonomes incluant les drones, 100% s’agissant des livraisons à domicile [11] ! Il s’agit d’une vision technocentrée qui propose une réponse à la congestion, à la substitution des véhicules thermiques, au coût ou à la rareté de la main- d’œuvre dans le secteur des transports mais surtout au coût du dernier km pour les logisticiens. Pour autant, en prenant en compte les prévisions de croissance du World Economic Forum pour 2030 (+36% des véhicules de livraison en ville, +30% les émissions de gaz), ignorer les habitudes de consommation, à l’origine du flux de marchandise, en ne s’intéressant qu’à la gestion du dernier km, pourrait au mieux permettre d’absorber la croissance du e-commerce mais sans résoudre les problèmes actuels [12].

Comprendre l’impact de la consommation sur la logistique urbaine

Les impacts de la logistique urbaine

La nouvelle normalité : livraison ou commerce local?

Les leviers

Les leviers ciblant les consommateurs

Les leviers ciblant le dernier km

Des mesures déjà engagées à Montréal

Recommandations

Recommandation 1 - Analyser l’impact du commerce de proximité comme vecteur de transition socio-écologique

Recommandation 2 - Informer et mobiliser le citoyen - consommateur

Recommandation 3 - Expérimenter une réglementation favorisant la logistique urbaine durable

Recommandation 4 - Mettre en œuvre des projets pilotes pour favoriser l’accès au commerce de proximité en mobilité durable et active

Calendrier de mise en place

Conclusion

Références bibliographiques