Repenser la logistique urbaine pour une mobilité et des choix de consommation de proximité

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Mobilité de Quartier : Un mouvement collectif accompagné par Solon pour repenser nos déplacements et faire un pas de plus vers des voisinages conviviaux et écologiques.

Dans le cadre de Mobilité de Quartier, Solon a mis en place un partenariat avec la Coop Carbone pour rédiger une synthèse des connaissances et proposer des recommandations associées à un plan d’action.

Elle a été corédigée par Mme Caroline Marie, conseillère stratégique en mobilité durable et M. Theophil Haberstroh, directeur de programme, nouvelles mobilités, avec le soutien de l’équipe de Solon. Cette étude a été publié pour le compte de Solon en septembre 2021.

La version originale du rapport est téléchargeable en pdf à ce lien

Résumé exécutif

Nos habitudes de consommation sont à l’origine des déplacements de marchandises. Ce rapport montre à quel point il est important de trouver des solutions qui permettent d’adresser ces habitudes, ainsi que les enjeux racines.

Les prévisions de croissance de la livraison du World Economic Forum pour 2030 (+36% des véhicules de livraison en ville, +30% des émissions de gaz), nous laissent croire qu’ignorer les habitudes de consommation, à l’origine du flux de marchandise, et ne s’intéresser qu’à la gestion du dernier km pourrait au mieux permettre d’atténuer les impacts d’une partie de la croissance de la logistique qui sont de trois natures :

  • économique : congestion, entretien de la voirie, inefficacité du dernier km
  • environnementale : émission de GES et pollution de l’air, occupation des sols, augmentation des déchets
  • sociale : santé physique, sécurité des réseaux, quiétude, perte de lien social, nuisance sur la qualité de vie, précarité des emplois de la livraison ...

Ce rapport élargit donc la réduction des impacts de la logistique durable à l’étape la plus en amont qui est la décision d’achat et examine deux catégories de leviers : les leviers ciblant le consommateur et les leviers ciblant le dernier km.

Les leviers les plus puissants pour atténuer les impacts de la logistique sur un quartier relèvent des choix et du cadre réglementaire dans lequel évolue le consommateur lors de ses décisions d’achat : comment est fabriqué et d’où vient le produit (80% de l’impact carbone d’un bien de consommation est lié à sa production en moyenne) et comment il prend possession de son achat : en magasin ou par livraison à domicile. Les deux modèles dominants actuellement sont :

  • le modèle de l’achat en centre commercial en périphérie construit autour d’un accès en automobile
  • la livraison à domicile

Lorsqu’il n’est pas compulsif (achats répétés) et impatient (livraison le même jour), l’achat avec livraison à domicile semble plus efficace en émission de GES que le modèle d’achat au magasin, puisque dans ce cas l’essentiel du bilan carbone est lié à la voiture individuelle qui se déplace en périphérie.

Nous émettons donc l’hypothèse que renforcer la consommation locale à l’échelle du quartier, sous réserve de se déplacer autrement que seul en auto, aurait un impact environnemental bien meilleur que les modèles dominants, tout en ayant des impacts sociaux positifs (échange avec les commerçants, rencontres avec les voisins lors des déplacements dans le quartier, emplois locaux de qualité). Les nouveaux moyens de déplacement actifs et durables (vélos cargos, remorques...) y jouent un rôle important, pour pouvoir se déplacer localement et amener des marchandises plus lourdes chez soi.

Les leviers d’amélioration du dernier km, qu’il s’agisse de développer des hubs de transbordement urbain, de développer la cyclologistique, d’électrifier les flottes de véhicules, etc. n’auront d’effet notable que s’ils sont assortis d’une réglementation claire et dans une perspective de long terme de la ville.

Nos recommandations s’articulent autour d’un travail de fond sur le volet commerces et consommateurs :

  1. Analyser davantage l’impact du commerce de proximité comme vecteur de transition socio-écologique
  2. Informer et mobiliser le citoyen - consommateur
  3. Expérimenter une réglementation favorisant la logistique urbaine durable
  4. Mettre en œuvre des projets pilotes pour favoriser l’accès au commerce de proximité en mobilité durable et active.

Contexte

Identifier les principaux impacts de la logistique urbaine sur la vie en ville, en lien avec les nouvelles habitudes de consommation tirées par le commerce en ligne.

L’essor du e-commerce, accéléré par la pandémie de COVID-19, fait émerger de nouvelles habitudes de consommation et entraîne un effet démultiplicateur sur le nombre de livraisons et de véhicules de livraison en milieu urbain.

Crédits photos : Audrey McMahon/Solon

Si la consommation et le transport de marchandises jouent un rôle pour subvenir à nos besoins plus ou moins essentiels, il semble nécessaire d’examiner les ressorts favorables à une approche ancrée dans la transition socio-écologique. La prise de conscience collective tant sur l’urgence climatique que sur l’importance du lien social au sein de nos quartiers, impactés par les confinements successifs, offre une opportunité d’engager une réflexion en profondeur sur la définition d’une consommation et d’une logistique saine et durable.

La vitalité de quartier est un facteur majeur d’attractivité, de rétention des habitants et de liens sociaux en ville, contribuant ainsi à éviter l’étalement urbain lié à la relocalisation en banlieue, à soutenir l’économie locale et à favoriser les déplacements de proximité en modes actifs. Cette vitalité de quartier est étroitement liée aux offres et habitudes de consommation (biens/services, publics/ privés) et à la diversité de l’offre. Elle doit rester inclusive en permettant à tous types de populations de résider dans le quartier, ce qui suppose de maîtriser la pression immobilière.

Le présent rapport entend identifier les principaux impacts de la logistique urbaine sur la vie en ville, en lien avec les nouvelles habitudes de consommation tirées par le commerce en ligne. L’objectif est de mettre en perspective des leviers d’intervention et d’atténuation mobilisables à l’échelle du quartier.

Solon, organisme à but non lucratif, entend s’appuyer sur les résultats de cette étude pour mieux positionner l’enjeu consommation- logistique dans la transition socio- écologique à l’échelle du quartier.

Logistique et e-commerce : des tendances inquiétantes pour la ville

L’accroissement du transport de marchandises tiré par le e-commerce

Au niveau mondial, les émissions de CO2 dues aux transports sont estimées à 25%. Le transport de marchandises est croissant et compte pour 10% des émissions [1].

Cette croissance est largement tirée par l’essor du e-commerce : les livraisons dites du dernier km devraient quasiment doubler d’ici 2030 [2].

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La pandémie a accéléré la tendance vers le commerce en ligne et la numérisation des entreprises, notamment pour faciliter le télétravail. Les confinements successifs ont accru la demande de livraison à domicile, y compris de la part des commerces de proximité qui ont dû s’adapter dans l’urgence (le projet Arc-en-Ciel à Montréal en témoigne). Le quintuple des ventes en ligne pourrait ainsi être atteint avant 2028 [3] et la part du commerce en ligne dépasser les 20%. Au Canada, le commerce en ligne est ainsi passé de 4% des ventes de détail en 2019 à 10% mi-2020 [4] et les livraisons qui en découlent ont doublé entre février 2020 et février 2021 du fait même de la pandémie [5]. Le World Economic Forum estime que les ventes en ligne ont bondi de 25% en 2020 et que cette tendance devrait se poursuivre au-delà des contraintes liées à la pandémie. Il projette ainsi une hausse de 36% des véhicules de livraison en ville qui pourraient accroître de 30% les émissions de gaz à effet de serre, si le scénario actuel est maintenu sans changement [6].

Ainsi, le développement du e-commerce entraîne mécaniquement un accroissement de la logistique urbaine [7]. Comme le dit le Pr José Holguin-Veras, directeur du Centre of excellence for Sustainable Urban Freight Systems, Rensselaer Polytechnic Institute: «Nous créons une livraison par camion chaque fois que nous cliquons sur cette icône tellement pratique “acheter”. Et on clique beaucoup sur ce bouton.» Cela entraîne plusieurs externalités négatives importantes, elles aussi en croissance rapide : GES, sécurité, cohabitation entre usagers de la route, congestion routière. Certaines sont visibles à l’échelle du Québec. De 1990 à 2018, la consommation d’énergie totale du secteur des transports a augmenté de +43 %. Le transport de marchandises a généré une forte croissance de consommation d’énergie avec une hausse de 54 % comparativement à 26 % pour l’ensemble des véhicules personnels durant la même période.

La diminution de la consommation des voitures (–18 %) a été plus que compensée par une augmentation importante de la consommation de camions légers (+210 %) en raison de la progression des ventes de ces modèles.

Le transport de marchandises et de voyageurs par camions légers sont les secteurs de transport dont la consommation est en plus forte croissance depuis 1990, soit de 205 % et 210 %, respectivement.

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Cette augmentation est liée à la croissance continue de la consommation, accélérée par le commerce en ligne proposant la livraison à domicile d’un large catalogue de produits, dans un délai toujours plus court (eg. Amazon), ce qui engendre des changements de comportements d’achats. Les nuisances qui en découlent sont accentuées par l’infrastructure urbaine, et l’étalement urbain qui offrent un espace disponible limité car contraint, non adapté au point à point (typique au e-commerce), non adapté à l’afflux de camions en ville. De fait, même en Amérique du Nord, les villes ne sont pas conçues pour absorber les nouveaux besoins en matière de logistique urbaine.

À titre d’exemple, à Montréal, avant l’arrivée de la COVID-19, on prévoyait « un doublement, voire un triplement des activités de transport d’ici 30 ans [dans] certains secteurs clés comme celui de De Maisonneuve– Peel–Sainte-Catherine–Robert-Bourassa », un secteur déjà presque saturé avec un taux d’occupation moyen de 94 % pendant la journée.

L’impact des camions étant plus fort sur la congestion routière que leur place réelle dans le trafic routier (11% contre 7% au Etats-Unis [9] en moyenne), plusieurs villes nord-américaines ont entrepris de mettre en place une stratégie de logistique urbaine visant à en limiter les nuisances, comme Seattle ou New York. Il s’agit notamment de mieux organiser la voirie, les espaces de stationnement et les relais d’entreposage pour limiter les problèmes liés aux camions bloqués dans le trafic ou bloquant eux-mêmes le trafic et les risques associés aux accidents de la route et à la qualité de l’air.

Les entreprises de livraison ou de e-commerce se sont également attelées à la réduction de leurs impacts sur la ville, soit par anticipation ou confrontation à la réglementation (c’est le cas en Europe avec notamment les zones à faible émission ou la configuration des villes) soit par volonté de réduire les coûts disproportionnés associés à la livraison du dernier km (30 à 60% [10] !). Si la cyclo-logistique se développe largement, freinée aujourd’hui par la pénurie de vélos cargo, certains milieux d’affaires misent sur le développement à moyen terme de la livraison par drones et l’optimisation des circuits de livraison par l’intelligence artificielle. Ainsi à l’horizon de 2026, McKinsey projette par exemple que plus des ¾ des livraisons du dernier km seront fait de véhicules autonomes incluant les drones, 100% s’agissant des livraisons à domicile [11] ! Il s’agit d’une vision technocentrée qui propose une réponse à la congestion, à la substitution des véhicules thermiques, au coût ou à la rareté de la main- d’œuvre dans le secteur des transports mais surtout au coût du dernier km pour les logisticiens. Pour autant, en prenant en compte les prévisions de croissance du World Economic Forum pour 2030 (+36% des véhicules de livraison en ville, +30% les émissions de gaz), ignorer les habitudes de consommation, à l’origine du flux de marchandise, en ne s’intéressant qu’à la gestion du dernier km, pourrait au mieux permettre d’absorber la croissance du e-commerce mais sans résoudre les problèmes actuels [12].

Comprendre l’impact de la consommation sur la logistique urbaine

Si on ne regarde que la chaîne logistique, plus du tiers du parcours logistique est effectué en ville, ce qui représente plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble du parcours [13] et inclut le flux lié à la gestion des déchets.


Dans le schéma ci-dessous toutes les flèches représentent des flux logistiques associés à la consommation d’un produit sur l’ensemble de son parcours. De fait, plus le produit se rapproche de sa destination, plus l’intensité énergétique de son transport s’accroît [14], les véhicules utilitaires légers émettent proportionnellement plus de gaz à effets de serre à la tonne-km que les camions lourds longue distance et prennent également plus d’espace à la tonne transportée. En d’autres termes, la livraison en camion léger du dernier km n’est pas efficace.

Pour autant, ne s’attacher qu’à l’amélioration de ce maillon ne permet de ne traiter que ⅓ du parcours. Les ⅔ de la chaîne logistique dépendent in fine de la production et du transport longue distance, essentiellement par bateau, jusqu’aux hubs logistiques nationaux.

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Le consommateur a une incidence majeure sur toute la chaîne logistique par sa décision d’achat: comment est fabriqué et d’où vient le produit, et par la manière dont il prend possession de son achat: en magasin ou par livraison à domicile.


Le schéma ci-dessus illustre la disruption de   la chaîne logistique par le e-commerce, qui suppose un transport de marchandises plus éclaté que le dispositif d’approvisionnement intégré verticalement traditionnel.

Répondre à cette demande dans des délais toujours plus courts accroît l’inefficacité du dernier km : trajets à vide, multiplicité des dépôts aux particuliers plutôt qu’à des points de centralisation (magasin par exemple), plusieurs trajets par jour. Et pour la ville, cela suppose également une présence accrue de camions de livraison dans les zones résidentielles, ou en pied d’immeubles, alors que les infrastructures ne sont pas prévues pour les recevoir.

L’acte de consommation a des effets sur toute la durée de vie du produit : de l’extraction des ressources jusqu’au déchet, en passant par le transport et l’entreposage mais aussi la commercialisation, sur une plateforme ou un magasin [15].   Par   exemple,   un   jean   parcourt 65 000 km avant d’être acheté par le client final [16]. Plus largement, 80% des produits (y compris alimentaires) consommés par les Québécois sont arrivés par voie maritime, avant d’être redistribués par le fer ou la route [17]. L’acte de consommation individuel se répercute donc sur la chaîne logistique mondiale.

Toutefois, le dernier km provoque des effets disproportionnés puisqu’il peut représenter plus du tiers des impacts environnementaux et des coûts économiques d’une livraison [18].

Les impacts de la logistique urbaine

En ville, l’accroissement d’une consommation basée sur l’achat en ligne et la livraison à domicile génèrent de nombreuses externalités négatives19. Considérant que l’essentiel des livraisons dites du dernier km est encore fait en voiture / camion, cela :

  • accentue la pression sur les infrastructures qui se détériorent plus vite,
  • augmente les émissions de gaz à effet de serre, de polluants, de bruits principalement par les véhicules thermiques mais également par les plateformes numériques,
  • ajoute de la congestion au trafic routier,
  • contraint l’utilisation de l’espace public pour la circulation et le stationnement de véhicules moyens à lourds, ce qui provoque des entraves pour les autres modes,
  • aggrave le risque d’accidents de la route et de la rue,
  • accroît la quantité de déchets liés aux biens en tant que tels et à leur emballage individuel ainsi qu’aux biens retournés non valorisés,
  • réduit les interactions sociales et a un impact sur la compétitivité de nos commerces locaux.
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L’impact est d’autant plus négatif que le consommateur a recours à un mode de livraison express, ce qui réduit considérablement les possibilités d’optimisation des circuits de livraison et d’emballage, et accroît le nombre de camions sur les routes. Des solutions se développent progressivement pour atténuer les impacts environnementaux de la logistique mais cela n’affectera en rien les externalités sociales ou le report des problèmes dans d’autres secteurs géographiques : il sera toujours nécessaire d’acheminer les biens de consommation de leur lieu de production jusqu’à leurs lieux de vente en transports lourds et les déchets devront être récupérés (en camion) et traités. Ces flux logistiques ascendants et descendants accentueront donc la pression sur les hubs logistiques montréalais : port, aéroport, et autres centres de transbordements intermodaux mais également sur les voies de transit qui traversent l’île et ses ponts. Le fait que les consommateurs se rendent moins en centre d’achat grâce à la livraison ne réduit en rien la congestion, au contraire [20].

IMPACTS NÉGATIFS DE LA LOGISTIQUE URBAINE [21]

Au niveau du quartier, l’importance de la livraison à domicile a un effet sur les aménagements urbanistiques et l’accès aux bâtiments pour garantir la livraison des marchandises au consommateur final. Il impacte la quiétude des rues en zones résidentielles avec l’augmentation de la circulation des camions à toute heure de la journée. De plus, il peut être un vecteur qui encourage à consommer plus (achats compulsifs, l’achat et la livraison en un clic), auprès d’acteurs à l’international qui ne contribuent pas/peu au tissu local, ne sont pas assujettis aux mêmes règles fiscales, et qui se retrouvent en compétition directe avec nos commerces locaux.

Près de la moitié du transport de marchandises en ville est entrant (viens de l’extérieur de la ville) et un quart est sortant [22]. Seul un quart du transport de marchandises total relève d’une logique de distribution locale. Les acteurs et les leviers seront donc variables et à coordonner pour réduire sensiblement l’impact de ces déplacements.

Néanmoins, nous tenons à souligner que la livraison a également des effets positifs, notamment pour combler certains déserts alimentaires, faciliter la livraison de biens lourds, et éviter la nécessité d’avoir recours à une voiture personnelle. Plusieurs villes observent que l’engouement pour le vélo semble aller de pair avec le développement de la livraison à domicile [23]. Il serait ainsi pertinent de pouvoir mieux documenter les effets de la livraison conjugués aux nouvelles mobilités : autopartage, covoiturage, vélo à assistance électrique, vélo cargo, etc, sur la décision d’achat d’une auto personnelle.

Crédits photos : Audrey McMahon/Solon

La nouvelle normalité : livraison ou commerce local?

On l’a vu, l’achat en ligne progresse rapidement et la pandémie a pu créer de nouvelles habitudes chez des publics moins enclins à acheter en ligne auparavant, notamment les tranches d’âge supérieures à 55 ans. [24] La possibilité d’optimiser les tournées de livraisons, d’investir dans des véhicules électriques [25], de développer de nouvelles technologies de livraisons à moindre impact sur le trafic routier (vélos, drones), permet aux géants du e-commerce de proposer une vision alliant croissance économique et atténuation du changement climatique.

Pour l’instant, si l’on considère uniquement les principaux types de comportements d’achat en Amérique du Nord (déplacement en voiture au centre d’achat, achat en ligne, achat en ligne avec livraison en moins de 24h), la théorie semble leur donner raison [26]:

Pour autant, cette comparaison ne tient pas compte:

  • des échecs de livraison : prépandémie de 12 à 60% des livraisons sont des échecs au premier passage, impliquant un 2e voire un 3e passage ou le déplacement du client jusqu’à l’entrepôt
  • de l’achat local : la norme nord-américaine est l’achat au centre commercial, situé en moyenne à 21km du domicile, et conçu pour l’accès automobile [27].
  • de l’empreinte environnementale hors CO2 : artificialisation des sols, bruit, espace public dédié à la circulation, déchets, pollutions atmosphériques et aquatiques liées au trafic et l’impact social n’est pas étudié.
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La politique de retour est un vrai enjeu pour le commerce en ligne, complexe à gérer, il est un déterminant majeur de l’achat en ligne [28] : si 10% des achats en magasin sont retournés, c’est 20 à 35% des achats en ligne soit deux à trois fois plus de déplacements. Toutefois la modélisation de ces types de retour [29] confirme l’impact GES plus important chaque fois que le retour est effectué par l’acheteur en voiture plutôt que par une entreprise de livraison.

Si ces études modélisent l’impact des 3 grands modes d’achat par produit (achat en magasin, achat en ligne, achat en ligne express), elles ne mettent pas en perspective le poids relatif de ces comportements types dans les volumes réels livrés. Ainsi s’il est encore minoritaire en nombre de e-clients [30] (environ 30% au Québec), l’internaute compulsif représente la cible privilégiée des grandes enseignes car il commande beaucoup et souvent. Deux exemples: 25% des clients de Sephora achèteraient plus si la livraison était le même jour, idem pour les clients d’Altitude Sport [31] pour qui cet enjeu est clé pour augmenter les ventes. D’autres enquêtes clients montrent que plus de la moitié des internautes 18-34 ans s’attendent à être livrés le même jour et que 61% des consommateurs québécois sont prêts à payer plus pour ce service [32]. Si ces chiffres doivent être pris avec précaution, ils reflètent néanmoins une tendance Par conséquent, les impacts négatifs de la livraison sont appelés à s’accroître à court et moyen terme. D’après Dimitri Weideli, auteur du tableau ci-dessus, la livraison rapide va jusqu’à tripler l’empreinte environnementale de la livraison puisque le logisticien n’a plus le temps d’optimiser le remplissage et l’itinéraire de ses camions qui partent moins plein et sur des distances plus longues [33]. Considérant plusieurs types de comportements d’achat, il met en évidence que seul le consommateur effectuant son repérage en boutique et son achat en ligne avec livraison rapide a une empreinte carbone plus élevée que le consommateur traditionnel qui prend sa voiture pour se rendre au magasin. Il estime néanmoins que l’origine du client (vivant en banlieue ou en ville) et son mode de transport sont déterminants dans l’empreinte carbone de son achat : l’urbain se déplaçant à pied ou en transport en commun jusqu’au magasin “en dur” ayant potentiellement une empreinte plus faible [34]. Pour autant, cette distinction des modalités d’accès au magasin n’est pas incluse dans l’analyse en cycle de vie de l’étude et mériterait d’être documentée.

En effet, l’étude américaine met en évidence que 80% de l’empreinte carbone de l’achat en magasin est lié au trajet en automobile. Mais une étude européenne répartit différemment l’empreinte carbone de l’achat en magasin où 30% sont liées au déplacement automobile et 60% à la consommation énergétique du bâtiment [35].

Il y a donc un enjeu fort pour vérifier l’hypothèse d’une empreinte environnementale réduite de l’achat en commerce de proximité sous réserve de s’y rendre autrement que seul en voiture. Cette analyse aurait également le mérite de remettre en question le modèle du centre d’achat en périphérie, commerce de destination automobile par excellence, et moteur de l’artificialisation des terres agricoles. Une information étayée est nécessaire pour orienter les efforts de la transition socio-écologique, en s’intéressant aux pratiques et circuits d’approvisionnement, comme aux comportements des consommateurs.

Car in fine, deux visions de la ville s’affrontent:

  • la ville logistique, optimisée pour fluidifier la livraison à domicile à grand renfort de technologies “vertes”
  • la ville du quart d’heure qui tisse le lien social à travers des échanges de proximité.

La pandémie a accéléré la pénétration du commerce en ligne dans les foyers et a forcé nombre de commerces locaux à recourir à des services de livraison ad hoc, qui ne sont pas toujours optimisés. Y a-t-il un effet cliquet sur ces comportements d’acheteurs et de vendeurs, et quel est leur impact à moyen long terme? Les encouragements à l’achat local seront-ils ancrés dans les habitudes?

Une partie des réponses se joue dans l’offre de services des acteurs privés et leur marketing, mais la concurrence entre deux modes d’achat/ de commercialisation dépasse de loin la seule compétition entre entreprises puisqu’elle impacte directement la vision et la viabilité de la ville de demain. Ainsi, le rôle des pouvoirs publics et des sociétés civiles est clé pour agir sur les pratiques des entreprises, les pratiques d’achats et le développement de la logistique en ville.

Aujourd’hui la concurrence féroce du commerce en ligne tend à camoufler le coût réel de la livraison : les commerçants préfèrent perdre de l’argent sur la livraison [36] pour s’aligner avec la livraison gratuite imposée par Amazon Prime; l’iniquité des acteurs face à l’impôt fausse les prix et favorise les multinationales du e-commerce; les externalités négatives ne sont pas visibles dans le panier d’achats; et les options de livraison en fonction des impacts sociaux et/ ou environnementaux ne sont pas offertes au consommateur final qui pourrait alors choisir son mode de livraison en meilleure connaissance de cause [37].

Fiscalité des entreprises, taxe carbone, obligation d’affichage des impacts de la livraison ou de certains produits (score carbone par exemple), normalisation des labels écoresponsables appliqués à la livraison ou sur les véhicules, sont autant de leviers relevant d’un gouvernement.

Les règles d’utilisation de l’espace public et l’urbanisme sont l’apanage des municipalités.

À l’échelle du quartier, une organisation à but non lucratif comme Solon peut agir pour faire le lien entre acteurs privés locaux (commerçants notamment), citoyens et instances municipales et proposer un modèle réaliste de développement, qui tient compte des particularités propres au territoire dans un contexte global qui s’impose à lui. C’est la bonne échelle pour expérimenter, en partant notamment des besoins et des irritants quotidiens.

Les leviers

Les leviers seront d’autant plus puissants à réduire les impacts négatifs de la livraison qu’ils agiront sur les causes profondes.

Les leviers actionnables à l’échelle du quartier auront deux types de cibles (en orange sur le schéma):

  • les consommateurs qui, par leurs comportements, initient ou confortent la chaîne de production et d’approvisionnement internationale
  • la livraison du dernier km, celle qui impacte directement le quartier
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Les leviers ciblant les consommateurs

Le processus d’achat a été décomposé en 5 étapes par Blackwell et al.[38] :

  • la reconnaissance d’un besoin
  • la recherche d’information pour le satisfaire
  • la comparaison des offres
  • l’achat
  • l’évaluation de l’achat

La première étape consiste donc à questionner le besoin : la publicité, la norme sociale sont créateurs de “besoins” qui sont bien souvent superflus. À quel besoin répond l’envie d’un SUV lorsqu’on habite au centre ville [39] ?

S’attaquer à ces perceptions de besoins touche l’essence même de nos sociétés de consommation mondialisées. Si la tendance à la déconsommation est visible, notamment pour l’habillement40, elle est loin d’être majoritaire et d’être à ce jour socialement valorisée. Il y a tout un enjeu de déconstruction d’un idéal de société, complexe à appréhender mais où la mobilisation de quartier à petite échelle peut avoir un effet de levier. Difficile à mettre en œuvre, c’est pourtant le levier le plus puissant puisqu’il impacte l’ensemble de la chaîne de production.

La deuxième étape concerne l’information sur le produit: est-il adapté à mon besoin et dois-je forcément l’acheter: l’étiquetage, la labellisation, l’information sur l’origine du produit, sur les modalités de livraison, sur l’impact de la production et des livraisons, les opportunités de partage, location ou réparation sont autant d’informations aujourd’hui parcellaires. Le prix du produit ne reflète pas ses externalités. Identifier les labels les plus pertinents, promouvoir la transparence à travers le commerce local, valoriser le réemploi ou l’achat d’occasion peut être actionnées à l’échelle du quartier.

La comparaison des offres (3e étape du modèle) est étroitement associée aux critères ayant guidé la recherche d’information. Elle peut se faire en ligne (de plus en plus souvent le cas) ou en magasin.

La quatrième étape touche l’achat en lui-même: en magasin ou en ligne. En mode actif ou en mode motorisé, immédiat ou différé etc. Certains sites de vente en ligne vantent [41] leur impact environnemental moindre que l’achat en magasin. Une sensibilisation accrue aux impacts des différentes modalités d’achat peut être organisée à l’échelle d’un quartier notamment pour mettre en avant l’ensemble des dimensions sociales de l’achat local rarement associées aux dimensions environnementales.

La cinquième étape, celle de l’évaluation, n’a que peu d’impact direct sur la logistique mais elle comprend la satisfaction liée au mode d’achat et donc le renouvellement ou non d’un achat en ligne versus un achat en magasin. L’expérience est donc déterminante.

Les gaspillages (retours, déchets) seront d’autant plus évités que les 4 premières étapes auront été effectuées sérieusement.

Qu’il s’agisse d’électronique, d’alimentaire ou de textile, c’est la partie production qui pèse le plus lourd dans l’empreinte environnementale du produit: plus de 80% du bilan carbone d’un produit est lié à la production, de l’extraction des matériaux jusqu’à l’assemblage final, la distribution comptant pour moins de 20%, et ce dans un cycle de vie du produit qui tient compte du recyclage [42]. Donc plus que la modalité d’achat, c’est bien la décision d’achat qui est déterminante.

Pour intervenir dans le comportement de consommation les principaux leviers à actionner à l’échelle du quartier sont donc:

  • l’information: faire connaître les impacts de l’acte individuel de consommation, l’impact du mode d’achat et de livraison.
  • la sensibilisation / mobilisation citoyenne : pousser à l’action des groupes de citoyens
  • la réglementation : régulation ou interdiction de certaines publicités par exemple
  • l’incitation / le soutien au développement d’alternatives à l’achat faciles d’accès : recyclage, réemploi, partage, location etc. mais de proximité, dans le quartier
  • l’offre de services permettant de concurrencer / substituer le comportement indésirable : amélioration de l’expérience du commerce de proximité par exemple.
  • l’expérimentation: sur une norme, une réglementation sur un service, etc.

Globalement, les consommateurs prêtent un intérêt croissant à leur impact environnemental [43]: : des actions peu coûteuses en termes d’habitudes ou de changement de comportement répondant à cette aspiration auront plus de chances d’être accueillies favorablement.

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Il y a donc urgence à agir avant que le point de bascule vers la livraison impulsive et impatiente devienne une norme irréversible. Déjà près d’un consommateur en ligne sur 5 est prêt à payer plus (3-4$) pour une livraison le jour même [44].

Les leviers ciblant le dernier km

L’optimisation pour des raisons économiques et environnementales du dernier km est un sujet d’étude foisonnant.

Les leviers actionnables peuvent relever du marché qui va chercher “naturellement” à optimiser ses coûts et des acteurs publics qui vont tâcher de réduire les nuisances. C’est sur ces derniers qu’il semble pertinent d’agir à l’échelle d’un quartier. Ils auront de toute façon une répercussion sur les acteurs économiques lors de la mise à l’échelle.

Le marché a engagé des actions à court et moyen terme pour répondre aux attentes des consommateurs (rapidité, fiabilité) et de la ville (décarbonation, réduction de la congestion). À court terme, le marché s’est organisé pour optimiser les flux logistiques grâce à l’intelligence artificielle et au développement des 3PL (Third party logistics), intermédiaires qui assurent une mutualisation de l’entreposage, de l’emballage et de la livraison, notamment.

À moyen-long terme, les acteurs majeurs de la logistique investissent en recherche et développement sur les véhicules électriques et les drones [45]. Mais ils testent dès à présent la cyclologistique comme alternative aux camions. Ainsi à Montréal, Purolator, Postes Canada, Fedex pour ne citer qu’eux, déploient des projets pilotes de livraison à vélo en 2021.

Crédits photos : Audrey McMahon/Solon

La cyclologistique est un bon exemple de l’adaptation/ anticipation des acteurs de la livraison aux contraintes imposées par les attentes croissantes des consommateurs et les municipalités. C’est particulièrement vrai en Europe: la plupart des grandes villes développent des espaces de logistique urbaine et disposent d’au moins une entreprise de livraison à vélo. En France, par exemple, un plan national pour le développement de la cyclologistique [46] entend accélérer la diffusion de cette pratique sur tout le territoire par des incitatifs et une réglementation favorable.

Ainsi une municipalité pourra agir sur:

  • Les règles d’accès à l’espace public : autorisations, zonage, durée, vitesse de circulation,
  • Des tarifications incitatives ou punitives : en fonction du type de véhicule, de l’heure, de la demande; des aides à la conversion (à l’achat ou à la location de vélos cargo),
  • L’intégration de la logistique dans l’urbanisme : avec des aménagements d’infrastructures adaptés : voies ou espaces réservés à la logistique, des centres de logistiques urbaines (mini ou micro hubs), des zones de collectes etc. ou des règles applicables aux nouveaux bâtiments: la suppression ou la réduction des exigences en matière de stationnement [47] pouvant aller de pair avec l’intégration de la logistique soit en prévoyant des zones de déchargement ou des casiers dans les immeubles.
  • L’expérimentation d’une solution technique ou réglementaire peut permettre de réduire les risques de mise à l’échelle et de tenir compte plus finement des enjeux d’appropriation et d’acceptabilité sociale.
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Des mesures déjà engagées à Montréal

La Ville de Montréal a d’ores et déjà adopté plusieurs stratégies qui viennent soutenir une politique en faveur d’une logistique urbaine durable :

  • le Plan d’action Vision Zéro, sur la sécurité des piétons, pour une meilleure cohabitation entre les véhicules lourds et les usagers vulnérables;
  • le Plan Climat 2020-2030 qui prévoit d’élaborer une stratégie de réduction de l’empreinte carbone du transport routier de marchandises pour que 25 % des livraisons s’effectuent sans émission de GES d’ici 10 ans;
  • le Plan de relance 2021 qui entend soutenir les entreprises dans la transition vers des pratiques d’affaires écoresponsables et la réalisation de projets réduisant leur empreinte carbone.

Une stratégie de logistique urbaine est en préparation. Outre le cadre global issu des autres stratégies transversales de la ville, elle pourra s’appuyer sur plusieurs retours d’expérience intéressants:

  • Le projet Colibri a permis de tester la validité du modèle de substitution de vélos cargos et VLS (véhicules légers de service) aux camions pour effectuer le dernier km de la livraison de colis, grâce au transbordement des marchandises dans un mini-hub urbain. L’expérimentation conduite à l’îlot voyageur est en cours de réplication ailleurs à Montréal et plusieurs entreprises testent en 2021 la livraison en vélo- cargo.
  • Le projet Arc-en-Ciel a permis de mettre sur pied un dispositif de livraison à vélo pour les commerces de proximité forcés de se convertir à la vente en ligne à cause de la pandémie. Il permet aujourd’hui de travailler sur la mutualisation du ramassage des colis à expédier et de s’appuyer sur la présence des mini-hubs pour intégrer ce segment du premier km.
  • L’installation de casiers électroniques à la Plaza Saint- Hubert, à Verdun, ou à Laval permet de proposer une alternative de proximité à la livraison à domicile puisque dans cette configuration c’est le client final qui effectue le dernier km.
  • Le partage de flottes (vélos-cargos, remorques, auto) de Locomotion facilite là encore la logistique du dernier km par le client en mode actif.

Ces actions pilotes répondent au double enjeu de l’impact environnemental des livraisons dans les zones résidentielles et de la préservation des commerces de proximité, au cœur de la vitalité des quartiers. Il reste néanmoins à passer à l’échelle de la ville et à articuler ces actions pour une approche cohérente qui maximise les impacts positifs.

Contenir puis réduire les impacts négatifs de la logistique urbaine suppose de conduire une stratégie logistique intégrée, c’est-à-dire qui s’intéresse concomitamment aux infrastructures, aux acteurs économiques, aux citoyens, au foncier, au bâti.

La Ville dispose d’un actif majeur [48] : l’espace public, qu’elle doit entretenir et dont elle doit réguler l’accès et les usages. Cet espace public est aujourd’hui dédié à plus de 50% au trafic automobile, en concurrence avec d’autres modes plus doux (piétons, vélos) et d’autres usages (parcs, terrasses, scènes, aires de jeux, de sport etc.). Si l’on considère uniquement les rues : les voies de circulation représentent 48,8% et le stationnement 29,6% de la voirie montréalaise, les trottoirs (20,2%) et les pistes/ bandes cyclables 1,3%. L’utilisation à leur profit de cet espace public par des entreprises de micromobilité en libre-service a fait prendre conscience de l’enjeu de régulation qui, après les nouvelles mobilités des personnes, touche aujourd’hui le transport de marchandises.

Les retours d’expérience en matière de logistique urbaine, notamment européens, mettent en avant la volonté d’agir des municipalités et donc l’engagement politique pour accompagner les acteurs économiques. L’urgence à agir est parallèlement largement poussée par une réglementation contraignante comme les zones à faibles émissions. La perspective de se voir refuser à très court terme l’accès à une zone de livraison sur la base de la catégorie du véhicule (taille, émissions GES) pousse nécessairement au changement.

On peut raisonnablement penser que Montréal ne pourra pas atteindre son objectif de 25% des livraisons décarbonées en 2030 sans passer par des contraintes réglementaires.

Recommandations

Les recommandations ciblent les actions et leviers que peut actionner Solon, en tant que maître d’ouvrage ou en tant qu’animateur de la démarche Mobilité de Quartier dans le cadre de Montréal en Commun.

Recommandation 1 - Analyser l’impact du commerce de proximité comme vecteur de transition socio-écologique

Objectifs

Disposer d’éléments probants, qualitatifs et quantitatifs, décrivant l’empreinte environnementale et sociale du commerce de proximité pour défendre le soutien dont il fait l’objet. Nouvelles connaissances sur les comportements.

Le commerce de proximité semble pouvoir représenter un vecteur intéressant dans la transition socio-économique. Il permet notamment de minimiser l’impact des déplacements des citoyens, augmenter la vitalité locale et faciliter l’accès en mobilité active et durable.

Analyser l’empreinte environnementale et sociale du commerce de proximité

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Contexte

Les entreprises du e-commerce, au premier rang desquelles Amazon, disposent de données démontrant l’impact plus faible du commerce en ligne par rapport au “commerce traditionnel” en matière d’émissions de gaz à effets de serre.

Par commerce traditionnel en dur, ces études considèrent le centre d’achat vers lequel on se rend en auto. Il n’y a pas de données pour le commerce de proximité, en ville, vers lequel le client se rend à pied, à vélo ou en transport en commun ou les modes alternatifs à l’automobile pour se rendre au centre d’achat en périphérie.

De plus, les analyses ne mettent en exergue que le bilan GES mais pas les autres dimensions environnementales (surexploitation des ressources naturelles, artificialisation des sols, déchets, bruit et autres pollutions) ou les impacts sociaux, comme la vitalité des milieux de vie, souvent plus qualitatifs.

Il s’agit donc de se doter des métriques permettant d’étayer une vision, un récit de transition socio-écologique face à des argumentaires qui risquent de se construire sur l’impact GES de la livraison alors que l’enjeu est beaucoup plus large. Ce travail doit inclure des co-bénéfices ou, a contrario, les externalités négatives dans l’analyse. Ces données et les indicateurs qui pourront en être tirés pourront servir d’outils d’influence auprès des décideurs, qu’il s’agisse de peser sur l’urbanisme, la fiscalité foncière, les normes, les aides économiques, les comportements etc. Ils viendront également alimenter les outils de communication et de mobilisation à destination du grand public.

Actions

Commanditer ou mobiliser un partenariat de parties prenantes intéressées (SDC-commerces de proximité, arrondissements, autres collectifs citoyens) pour co-porter une étude auprès d’un laboratoire de recherche afin de:

  1. Détailler l’hypothèse que le commerce de proximité vers lequel le client se rend en mode actif ou en transports en commun génère moins de GES que le commerce en ligne
  2. Établir une méthodologie de mesure de l’impact environnemental et social du commerce en dur et en ligne à des fins de comparaison : périmètres, scénarios
  3. Identifier les maillons faibles de l’approvisionnement et ventes en commerce de proximité pour mieux cibler les actions d’accompagnement et les possibles effets rebonds. En effet, moins intégrée, la production locale est souvent moins bien organisée et perd sur une logistique peu efficace (1 véhicule par producteur, retour à vide, multiples arrêts etc.) son avantage de proximité [51].
  4. Déterminer une typologie de commerce local selon leur pratique et l’impact socio-environnemental des produits ou services vendus (ex : Dollarama Vs Cordonnerie)

Ces travaux peuvent être menés de manière progressive et permettront d’alimenter les autres recommandations. Ils permettront notamment d’identifier, en co-construction, des propositions d’actions publiques pour agir à la réduction des impacts et favoriser les meilleures pratiques.

Rôle de Solon : commanditaire ou co-commanditaire de l’étude

Recommandation 2 - Informer et mobiliser le citoyen - consommateur

Objectifs

Interpeller les citoyens sur l’impact de leurs comportements d’achat pour les accompagner dans le changement.

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Contexte

La pandémie a largement favorisé la conversion de nouveaux utilisateurs au commerce en ligne et l’industrie se mobilise pour démontrer que son impact environnemental est meilleur que le commerce traditionnel de détail (en fait le centre d’achat accessible quasi exclusivement en auto) et ainsi contrer le discours “acheter local” qui s’est élevé pour préserver les acteurs économiques nationaux.

Dans un contexte où un nombre croissant de citoyens réinterrogent leur mode de vie et de consommation, il importe de porter un récit cohérent et étayé sur l’impact des consommations individuelles.

  • L’essentiel de l’empreinte environnementale des produits ne dépend pas du mode d’achat (en magasin ou en ligne) mais de la production et de la gestion des déchets.
  • Le commerce en ligne génère plus de gaspillage et le consommateur impulsif et impatient est celui qui a la plus forte empreinte en matière de distribution du produit

Changer les comportements est une entreprise de longue haleine qui suppose 3 étapes : information/ sensibilisation, mobilisation/ engagement, ancrage. L’influence des pairs étant un facteur clé des comportements, engager rapidement une minorité influente peut démultiplier les effets d’imitation sur la majorité, surtout si le sentiment d’urgence à agir est partagé.

Actions
Construire le récit

Une approche positive permettrait d’identifier un futur proche souhaitable pour le quartier : vivant, résilient, solidaire, apaisé etc. et de proposer des comportements simples à adopter ainsi que de nouveaux services facilitant ce passage à l’action sur la base du message RRTA :

  • Refuser (d’abord estimer la réalité du besoin de consommation, de déplacements),
  • Réduire (limiter les déplacements nécessaires: grouper les commandes, choisir une livraison >24h),
  • Transférer (choisir les modes de transport les plus doux, les modes actifs: la livraison à vélo),
  • Améliorer (favoriser l’efficacité énergétique et opérationnelle du transport), mais en mettant en avant les gains individuels (finances personnelles, santé, autonomie) et collectifs (environnement, lien social, etc)
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Une autre approche ciblant directement les comportements les plus nuisibles, liés à l’achat en ligne en 1 clic avec livraison express permettrait de simplifier le message sur les modes de consommation les plus destructeurs pour la communauté et de créer un sentiment d’urgence si la perception d’une perte irréversible peut être étayée (cf recommandation 1).

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Outils de la mobilisation
  • Sur la base des informations étayées issues de la recommandation 1, produire une infographie sur les impacts des modes de consommation et co-construire une campagne d’information, potentiellement avec l’arrondissement/ la ville et d’autres acteurs engagés en matière de consommation responsable comme Equiterre.
  • Proposer des ateliers de mobilisation citoyens avec
    • une phase d’apprentissage, sur le modèle d’une fresque de la mobilité : exercice de vulgarisation des enjeux économiques et sociaux de la mobilité et du transport de marchandises. En lien avec Mobilité de quartier
    • une phase d’engagement : recrutement de foyers- pilotes qui relèvent le défi et adoptent une démarche Refuser/ Réduire/ Transférer/ Améliorer.
  1. Refuser : questionner systématiquement le besoin et réorienter l’achat vers de la réparation, location, partage.
  2. Réduire: cibler le produit en fonction d’un besoin réel et réduire le besoin de déplacement vers ou du produit (groupement des achats/ commandes).
  3. Transférer : choisir les modes d’achat ou de livraison les plus doux, privilégier les modes actifs (déplacement à vélo avec remorque Locomotion par exemple ou demande de livraison à vélo).
  4. Améliorer : cibler des produits écoresponsables réduisant l’impact de la production sur l’empreinte sociale et environnementale, à terme cibler les labels de livraison écoresponsables.

Les citoyens, qui participent aux ateliers, pilotent leur changement de comportement d’achat avec l’aide d’une équipe d’accompagnement : coach consommation (Solon) et idéalement des chercheurs pour la mesure d’impact, environnemental et social.

  • une phase apprentissage et diffusion : portée par Solon et ses partenaires

L’idée est de pouvoir disposer d’ambassadeurs capables de diffuser autour d’eux (famille, voisins, amis) leur nouvelle approche et de mieux faire pénétrer les messages clés. Ces ambassadeurs pourront également présenter leur démarche au grand public en offrant une illustration concrète et positive d’une alternative à la consommation compulsive depuis son canapé.

Il sera important de documenter les différentes dimensions (sociales, environnementales et économiques) de leurs changements d’habitudes de consommation pour pouvoir estimer / projeter l’impact sur la vie de quartier.

Conditions de réussite
  • Travail amont pour recueillir la donnée propre à la situation québécoise voire montréalaise (recommandation 1 notamment)
  • Valorisation des alternatives locales à l’achat : réemploi, réparation, prêt-location
  • Valorisation des solutions facilitant l’accès aux commerces et services de proximité en mobilité active : Locomotion
  • Partenariat académique pour cadrage méthodologique et mesure d’impact pilotes
  • Responsable projet -coach consommation au sein de l’organisation
  • Valorisation des impacts auprès des bénéficiaires finaux : commerçants locaux et résidents.
Impacts attendus

Voir tableaux. Les impacts sont estimés à l’aune des changements de comportement amorcés et ancrés par la mobilisation citoyenne.

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Recommandation 3 - Expérimenter une réglementation favorisant la logistique urbaine durable

Objectifs

Favoriser une logistique urbaine durable c’est-à-dire à impact réduit sur l’environnement, sécurisant pour les citoyens, en particulier les piétons, et responsable socialement, notamment en matière d’emplois.

Le quartier est une bonne échelle pour expérimenter de nouvelles règles de stationnement ou de circulation grâce à la proximité des acteurs qui peuvent être engagés dans le projet et le périmètre restreint, facilitant l’observation des effets du projet.

Ce rapport se concentre sur les actions pour Solon, néanmoins ces expérimentations pourraient avoir le co-bénéfice de permettre à la Ville de travailler en parallèle sur des sources de revenus éventuelles (permis, vignettes, taxation de certains pratiques polluantes sur le territoire - projet de loi 122 de l’Assemble Nationale du Québec…). Ces revenus pourraient ensuite être utilisés pour favoriser le développement de nouveaux projets et usages en logistique urbaine durable. De plus la Ville pourrait communiquer sur l’impact néfaste de certaines livraisons, interdire la publicité de certains usages et communiquer sur l’impact positif du commerce local.

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Contexte

La mise à l’échelle d’une politique de logistique urbaine durable devra s’appuyer sur une réglementation de l’usage de l’espace public. Plusieurs outils réglementaires et technologiques testés séparément ou conjointement sont disponibles et pourraient être expérimentés dans le contexte montréalais avant mise à l’échelle. Les retours d’expérience disponibles mettent en évidence que les incitatifs en faveur de la conversion de flottes de véhicules de livraison, de cyclologistique, de mini-hubs, sont moins puissants ou ont besoin d’une réglementation claire et prévisible qui apporte des contraintes nouvelles aux transporteurs, pour porter leurs fruits.

De par son positionnement dans les quartiers Rosemont– La Petite-Patrie ou Ahuntsic-Cartierville, Solon peut constituer une condition de réussite d’un tel projet par l’accompagnement de l’écosystème et la mobilisation d’acteurs qu’il peut proposer auprès de parties prenantes clés : citoyens, commerçants et SDC, arrondissements, et Ville de Montréal.

Actions en deux phases

  1. Connaître les irritants
  2. Planifier les expérimentations en cherchant à concilier l’optimisation de l’impact et l’acceptation du changement
Connaître les irritants et les situations problématiques

La présente étude bute sur le manque de données disponibles susceptibles d’analyser l’usage de l’espace public montréalais. Des travaux sont en cours pour indexer la voie de rive mais connaît-on précisément l’impact de l’activité de livraison sur un quartier (congestion, sécurité, pollution, qualité de vie etc.) ?

Ainsi dans le dépôt de son projet de règlement sur la logistique urbaine, le conseil municipal de New York avance : les camions représentent 13% des GES, 12% du trafic et 12% des accidents mortels impliquant des piétons [53]. À Seattle, l’Université de Washington a démontré que la moitié des camions de livraison se garent sur des emplacements qui leur sont interdits [54]. À Paris, si le transport de marchandises ne représente que 15 à 20 % du trafic, il représente 25 % du CO2, 35 à 45 % des oxydes d’azote et 45 % des particules fines générés par le trafic routier. Ces données précisent le contexte et l’urgence à agir : santé, économie, sécurité.

Le premier niveau consiste à mieux documenter l’impact de la logistique urbaine à Montréal en ciblant quelques indicateurs clés : impact sur la congestion, sur les GES, les particules fines, sur la sécurité. Il est important d’inclure dans ces flux les livraisons et la collecte des déchets. Le second niveau peut être conduit à l’échelle du quartier pour identifier plus précisément les irritants :

  • sur la collectivité : congestion, pollution, bruit (moteurs, klaxons)
  • pour les piétons : véhicules garés sur la chaussée, insécurité notamment aux abords des écoles
  • pour les cyclistes : véhicules garés en double file ou sur la piste cyclable
  • pour les entreprises : coûts, retards

Il s’agirait donc de dresser un portrait plus qualitatif de l’impact réel de la logistique sur un quartier.

Les méthodes utilisées pourront utilement s’appuyer et s’intégrer dans les travaux de collecte et traitement de la donnée du projet Montréal en Commun et du CIRRELT pour tester, avant mise à l’échelle, un dispositif de recueil de données et d’analyse.

Expérimentations

L’objectif des expérimentations est de vérifier les hypothèses soulevées par l’analyse de la situation réalisée en phase 1.

À titre d’exemple, 4 groupes de solutions et hypothèses sont proposés ci-dessous mais devront être affinés ou revus en fonction des enjeux identifiés.

Groupe de solutions 1

La période d’approvisionnement des artères commerçantes (ex Masson, Plaza Saint-Hubert) s’étale de 8h à 17h et provoque de 8h à 9h30 et de 16h à 17h des stationnements en double file et donc de la congestion et un risque accru pour les cyclistes. Des mesures peuvent être testées pour fluidifier la période de fort achalandage et alléger les tensions sur le quartier de la livraison : report du trafic dans les rues résidentielles, congestion pour les résidents qui cherchent à atteindre les artères

=> Expérimentation du stationnement dynamique dédié à la livraison

  • réservation de 25 à 35% des espaces de stationnement pour les livraisons soit en tout temps, soit sur les périodes en tensions, par exemple de 7h30 à 10h et de 15h à 17h30
  • espaces réservés en ligne pour une période maximum
  • pénalités financières pour tout dépassement
  • autorisation des vélos cargos et VLS en tout temps, expérimenter un emplacement dédié sur les artères commerciales

=> Autres expérimentations : Approvisionnement de commerces en soirée; implémentation de zones de livraisons tarifiées; permis de livraison, vignettes pour certains usages; uniformisation et optimisation de la réglementation des zones de livraisons...

Mesures d’accompagnement : équipes de conciergerie de l’artère (SDC) pour réception du chargement mutualisé : le camion ne reste pas longtemps sur rue

Technologie : capteurs sur les emplacements de stationnement, caméras ou service de la ville pour vérifier le respect de la réglementation

Points de vigilance : effet rebond sur l’autosolo (si le trafic est plus fluide, incitation à prendre sa voiture), effet rebond sur la livraison par camion (si moins de contraintes, moins d’encouragement à préférer le vélo cargo), effet sur l’achalandage des commerces : si moins de stationnements voitures, cela a-t-il un impact?

Groupe de solutions 2

Le nombre de camions dans les quartiers résidentiels à toute heure de la journée et du weekend crée un sentiment d’insécurité et des externalités négatives (pollutions aérienne, sonore, visuelle) qui nuisent à la qualité de vie des résidents. Restreindre l’accès des camions aux zones résidentielles permettrait d’améliorer la sécurité des personnes les plus vulnérables (piétons, cyclistes) ainsi que la qualité de vie.

=> Expérimentation de zones sans camions, voire sans voitures

  • adaptation du concept de rues scolaires [55]: temporairement, aux heures d’entrée et sorties des écoles, les rues adjacentes à un centre scolaire sont fermées à la circulation des véhicules à moteur. Une étape pourrait être d’interdire la circulation des camions aux alentours des zones fréquentées par des piétons : écoles, parcs, soit de manière temporaire, soit permanente en fonction des irritants et risques identifiés
  • zone de rayonnement : interdiction des rues résidentielles aux camions hors tranche horaire précise, dépôt en conteneur ou espace de logistique urbaine (mini-hub) et rayonnement à vélo, en s’appuyant sur les retours d’expérience de TNT à Bruxelles ou UPS à Seattle.

Mesures d’accompagnement : travail en amont auprès des entreprises de livraison traditionnelles et de cyclologistique, notamment pour la détermination des axes de transit et circulation pour camion.

Technologie : signalisation adaptée, bollards sur rues fermées

Points de vigilance : assurer le respect de la mesure, documenter les résultats qualitatifs (satisfaction résidente qu’ils soient ou non des utilisateurs de services de livraison à domicile) et quantitatifs (nombre d’enfants se rendant à l’école en mode actif par exemple ou nombre d’accidents). Effet rebond potentiel à surveiller : démultiplication des véhicules de tourisme pour la livraison en gig economy, donc perte d’efficacité et impact social négatif.

=> Autres expérimentations : Mini-hubs, adaptation de règlements existants, création de nouveaux règlements,...

Groupe de solutions 3

La livraison à domicile est le principal facteur d’accroissement de la congestion et des émissions de gaz à effet de serre. Pour parvenir à 25% de livraison décarbonée en 2030, il est nécessaire d’identifier des zones interdites aux véhicules thermiques sur la base de la densité de population/ entreprises desservie et des enjeux de congestion/ pollution liée à la concentration de camions

=> Expérimentation de zones à faibles émissions

  • permis de circulation accordé sur la base d’une norme nationale : véhicule zéro émission, vélo cargo
  • délimitation physique du zonage, avec points de contrôle: lecture de plaque par exemple

Mesures d’accompagnement : travail en amont auprès des entreprises de livraison traditionnelles et de cyclo logistique notamment à travers le développement de mini-hubs en périphérie de ces zones, exemption des résidents

Technologie : signalisation adaptée, dispositif de contrôle des véhicules

Points de vigilance : assurer le respect de la mesure, documenter les résultats qualitatifs (satisfaction résidents qu’ils soient ou non utilisateurs de services de livraison à domicile et des commerçants) et quantitatifs (réduction du nombre de véhicules dans la zone). Documenter l’éventuel effet rebond sur l’autosolisme des résidents.

Groupe de solutions 4

Le ramassage des déchets suppose une contrainte de circulation pour tous les types de véhicules dans le quartier le jour de collecte. Dans l’objectif de réduire les distances parcourues par les camions à ordure dans le quartier, plusieurs pistes peuvent être travaillées avec les parties prenantes :

  • optimisation des arrêts avec des bacs collectifs, optimisation des routes pour limiter le nombre de passages par rue
  • incitatifs auprès des consommateurs à réduire leurs déchets en expérimentant des systèmes de collecte intelligente et de tarification incitative au poids intelligente et de tarification incitative au poids
  • analyse coût/bénéfice d’une évolution des technologies : poubelle, circuit de ramassage, type de camion etc.
  • expérimentation de la collecte de déchets propres par les camions de livraison pour réduire les retours à vide (reverse logistique). => Autres expérimentations : Le nettoyage sur rue (fréquence, type de véhicules...), Hubs de consignation (Logistique inverse et réduction des déchets...)
Impliquer les citoyens et acteurs économiques dans le design de leur quartier

En s’appuyant sur les outils technologiques déployés pour mettre en œuvre les expérimentations et en lien avec la collecte de données engagée par l’Agence de Mobilité Durable (AMD) et la Ville de Montréal, il s’agirait de développer des outils de simulation à destination des citoyens et commerçants qui pourraient imaginer et visualiser des alternatives en termes de circulation, de stationnement, de collecte de marchandises.

Solon pourrait co-commanditer ou assurer l’encadrement de projets de jumeaux numériques ou d’appli d’urbanisme “ludique” ou d’atelier d’échange autour de la donnée publique.

Conditions de réussite
  • Technologie : capteurs et lecture de plaque pour vérifier le respect des zonages et des horaires de réservation
  • Accompagnement des commerçants : temps gagné, coûts
  • réduits
  • Accompagnement des entreprises de livraison : visibilité de la réglementation dans l’espace et le temps, mini-hubs, autorisations
  • Assurer le respect des règles : contrôle automatisé ou en personne
  • Pilotage par comités multipartites
  • Étude ex ante et ex post par laboratoire de recherche. Apprentissages à rendre publics
Impacts attendus

Voir tableaux.

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Retours d’expériences utiles  

Rôle de Solon

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Profiter de l’opportunité du programme Rue apaisée porté par l’arrondissement à l’été 2021 pour mobiliser les acteurs et les citoyens autour d’expérimentations

S’appuyer sur les ateliers en partenariat avec la firme sélectionnée par l’Arrondissement pour identifier des irritants et des expérimentations pertinentes

  • Influence auprès de la Ville et de l’AMD pour portage de projet, lanceur d’alerte sur des irritants
  • Membre du comité de pilotage
  • Facilitateur dans l’écosystème (commerçants, citoyens)

Recommandation 4 - Mettre en œuvre des projets pilotes pour favoriser l’accès au commerce de proximité en mobilité durable et active

Objectifs

Développer des nouveaux services pour améliorer l’expérience du commerce de proximité et l’ancrer davantage dans les milieux de vie. Interpeller les citoyens à travers les projets pilotes sur la place du commerce de proximité, les modes d’accès (à pied, vélo, remorque, auto,...), l’utilisation de l’espace public, leurs besoins de consommation et les impacts sur la chaîne logistique. Pousser à la pérennisation d’initiatives limitées dans le temps comme la piétonnisation de certaines rues. Attacher les habitants à leurs services de proximité.

Plus largement, Solon pourra avoir un rôle important à jouer pour faciliter l’implantation, le développement, la pérennisation d’initiatives portées par d’autres acteurs montréalais et visant également à réduire les impacts négatifs de la logistique urbaine comme les projets en cours de déploiement de mini-hubs permettant la substitution de vélos cargos à des camions de livraison ou le développement d’un label pour la livraison écoresponsable.

Contexte

Les leviers du stationnement et des zones d’accès en fonction des types de véhicules sont puissants pour accélérer des changements de pratiques. Pour autant, ils peuvent s’avérer trop drastiques ou en avance par rapport aux représentations des parties prenantes : commerçants, automobilistes, promoteurs immobiliers.

En effet, plusieurs études européennes mettent en avant la divergence entre la perception des commerçants sur le mode de transport de leurs clients et la réalité [57]. Ainsi, les commerçants vont avoir tendance à mettre en avant de manière prioritaire l’enjeu du stationnement pour attirer des clients alors que les clients vont mettre en avant des priorités liées à leur cadre de déambulation (trop de bruit, espace pour marcher, obstacles sur les trottoirs). L’apaisement des rues a un effet positif sur les commerces de centre-ville : c’est un élément différenciant des zones commerciales de périphérie [58]. Plus près de nous, la suppression de 136 places de stationnement pour réaliser 2,4km de pistes cyclables sur la rue Bloor à Toronto s’est soldée par une augmentation du panier d’achats moyen, du nombre de clients et de la fréquence des visites [59].

La pandémie a permis de déployer de manière temporaire plusieurs zones piétonnes à Montréal pendant l’été, afin de favoriser la distanciation physique sur les trottoirs. La demande de renouvellement pour l’été 2021 est forte dans tous les quartiers mais ne va pas sans réticences ou oppositions. De même, le stationnement est le levier le plus puissant sur lequel peut agir la ville de Montréal pour favoriser la mobilité durable. Pour autant, c’est face à ces contraintes temporaires, souvent créatrices de crispations ou de rejets mais aussi d’opportunité pour impulser un changement durable, qu’il est utile de préparer un accompagnement et une information organisée vers des alternatives qui vont dans le sens de la transition socio- écologique [60].

Solon a ainsi intérêt à travailler en étroite concertation avec l’arrondissement, la Ville de Montréal, l’Agence de Mobilité Durable et les Sociétés de Développement commercial pour proposer un dispositif de réappropriation de l’espace qui soit cohérent dans sa conception, sa mise en œuvre, ses apprentissages et son accompagnement auprès des diverses parties prenantes. L’effet de levier n’en sera que plus fort.

La campagne d’information/ sensibilisation offre ainsi un socle sur lequel s’appuyer pour déployer un récit crédible de transformation. Et les données relatives à l’impact du commerce de proximité permettront de défendre le bien- fondé de certaines aides économiques.

D’autres projets intéressants seraient d’optimiser les places de livraison sur le domaine public. De plus, en logistique inverse, un nouveau projet intéressant serait d’implanter des mini-hubs de consignation (Hubs de consignation) permettant à des entreprises d’offrir de nouveaux produits consignés (centres de consignation).

Actions
Développer de nouvelles offres de services pour améliorer l’expérience des commerces de proximité

Solon pourrait valoriser son retour d’expérience avec Locomotion et la présence des Cyclistes solidaires pour travailler avec les commerçants un service de livraison en mode doux / actif pour les particuliers venus magasiner dans le quartier : jusque chez eux, jusqu’à leur auto stationnée en bordure de quartier. L’idée serait de rendre l’expérience agréable pour tous les types d’usagers afin de pouvoir la pérenniser dans le temps et développer une nouvelle expérience dans la vie de quartier.

Ce service de livraison permettrait également de mieux inclure dans la vie de quartier les personnes à mobilité réduite ou isolées.

Il peut être expérimenté sous plusieurs angles:

  • solidarité entre voisins
  • actions bénévoles par des associations
  • service marchand mutualisé entre commerçants

La réappropriation de l’espace public au profit de la vitalité du quartier peut également s’appuyer sur des logiques de rapprochement géographique : s’il est compliqué, coûteux ou nécessaire de prendre sa voiture pour magasiner, des projets de rapprochement de commerces ou de services dans les zones résidentielles à plus de 500 m des commerces pourraient être expérimentés, sur le modèle du marché mobile de Marché Ahuntsic-Cartierville pour pallier les déserts alimentaires.

Développer un commun autour des remorques pour faciliter l’adoption de ce moyen de transport adapté au commerce local

Le volet ‘’remorque’’ de Locomotion semble être un commun porteur dans le cadre des enjeux démontrés dans le rapport. Il pourrait être ouvert plus largement avec un futur programme remorques, co-construit avec différents acteurs de la communauté de proximité (citoyens, commerçants, arrondissements, autres organismes,...) et adapté aux besoins.

La remorque à vélo nous semble propice à une mise à l’échelle rapide, complémentaire à une filière de vélos cargos fabriqués au Québec (en cours avec Jalon). Certaines remorques sur mesure sont déjà fabriquées localement, les remorques peuvent être autoconstruites, et un système d’attache universel permettrait par exemple de les lier à d’autres initiatives de mobilité active (Bixi). De plus, ce genre de commun pourrait s’inspirer de différentes initiatives existantes en Allemagne [60].

En partant du succès du partage de remorque dans Locomotion, voici différentes pistes comment l’intégrer davantage dans une logique de consommation locale, en offrant une belle alternative à l’utilisation de l’auto pour de nombreux cas d’usages.

  1. Positionner la remorque comme un élément clé dans l’élargissement de la logistique durable, pour y inclure les citoyens, et y inclure en parallèle la réflexion sur les comportements d’achats en mobilité active (qu’est ce que j’achète, est-ce que j’en ai besoin,...).
  2. Créer des liens avec l’infrastructure de vélos existante (privé et public), pour faciliter l’usage de ces vélos avec des remorques (p.ex. Bixi)
  3. Travailler sur un système d’attache universelle
    1. permet d’impliquer la communauté dans la recherche de solutions (p.ex. cyclistes solidaires, la remise,...)
    2. permet de baisser les coûts d’opération d’un tel système (vs. attaches traditionnelles)
  4. Favoriser le déploiement de remorques à Montréal
    1. Travailler sur un manuel pour créer et partager sa remorque
    2. Créer des liens avec les manufacturiers existants de vélo remorques à Montréal, et des nouveaux acteurs, qui ont les compétences métiers pour remorque, attache,..
  5. Faire des démos de remorques pour commerçants (exemple réalisé en Allemagne)
  6. Ancrer le programme au sein de lieux du quartier (tiers lieux, mini-hubs, lieux de partenaires,...)
  7. Travailler sur le volet plateforme open source, une fois les cas d’usages en mode MVP clarifiés. (s’inspirer du projet de plateforme open source pour vélo cargo en Allemagne

Un cahier d’inspiration additionnel met en lumière quelques opportunités de ce côté, que les équipes de Solon pourraient s’approprier avec leurs partenaires.

Mieux connaître les besoins des résidents pour proposer de nouveaux services favorisant la mobilité active

La collecte des données de stationnement mais également des enquêtes auprès des résidents ou des projets pilotes d’étude des habitudes de déplacements en lien avec la consommation peuvent conduire à tester des aménagements de l’espace public favorables aux alternatives à l’automobile.

Par exemple, un vélo cargo peut être une alternative sobre, efficace et peu coûteuse par rapport à l’entretien d’une auto pour un foyer à faible revenu. Après avoir validé la solution grâce à Locomotion, et identifié un bon modèle en vente d’occasion, se pose la question du stationnement d’un engin qui ne peut être monté sous le bras sur un escalier enneigé. Sans solution de stationnement sécuritaire pour un vélo de valeur, bon nombre renonceront à l’acquisition qui leur permettrait de se passer de voiture. Connaître ce type d’attentes permettrait d’intervenir pour financer des box sécurisés comme ceux que l’on peut retrouver généralement près des gares et stations de métro ou organiser des partages de garages dans la communauté.

Prévoir des espaces de livraison dans les zones résidentielles. Ajouter nouveau stationnement de nouveaux vélo-cargos et stationnement vert pour la livraison.

Autre exemple, identifier des flux concomitants vers des commerces pourrait permettre de proposer du covoiturage, ou du ramassage d’achat pour le compte des voisins.

Impliquer les citoyens et acteurs économiques dans le design de leur quartier

En s’appuyant sur les outils technologiques déployés pour mettre en oeuvre les expérimentations et en lien avec la collecte de données engagée par l’AMD et la Ville de Montréal, il s’agirait de développer des outils de simulation à destination des citoyens et commerçants qui pourraient imaginer et visualiser des alternatives en termes de circulation, de stationnement, de collecte de marchandises.

Solon pourrait co-commanditer ou assurer l’encadrement de projets de jumeaux numériques ou d’appli d’urbanisme “ludique” ou d’atelier d’échange autour de la donnée publique.

Conditions de réussite
  • Travail en lien avec l’AMD sur les données de stationnement
  • Identification du besoin
  • Valorisation des impacts auprès des bénéficiaires finaux : commerçants locaux et résidents.
Impacts attendus

Voir tableaux.

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Retours d’expérience utiles

  • Shopopop - Livraison collaborative de courses et colis entre particuliers
  • Strasbourg : Des stationnements pour vélos cargos ! (alsace20.tv)
  • Mini box pour stationnement vélo
  • Jumeaux numériques ou Jakarto

Rôle de Solon

  • Pilote d’étude
  • Soutien de projet voire porteur de projet
  • Relais auprès des différents services de la Ville de Montréal, et en particulier dans le cadre du renouvellement de la stratégie de développement économique en cours.

Conclusion

La consommation est le levier qui déclenche le transport de marchandises : qui consomme (ménages, commerces locaux, entreprises, etc.)? Quelle quantité de biens est consommée ? Comment et où ces biens sont-ils achetés, en ligne ou en magasin, sont des déterminants profonds du service logistique et de nos quartiers.

Agir sur le spectre de la consommation a donc un effet direct sur le transport de marchandises. Prendre en considération les dynamiques de consommation permet d’élargir le champ des solutions.

Ce rapport met en évidence l’urgence d’agir au niveau d’un quartier, pour renverser les tendances, avant que le point de bascule vers la livraison impulsive et impatiente devienne une norme irréversible. Le renforcement du commerce local et de la mobilité active permet de construire un argument fort, qui aura vraisemblablement un impact GES moindre, que les discours qui misent uniquement sur le commerce en ligne.

A l’échelle d’un quartier, une organisation comme Solon peut en parallèle agir pour faire le lien entre acteurs et proposer un modèle réaliste de développement, qui tient compte des particularités propre au territoire dans un contexte global qui s’impose à lui.

Le quartier est la bonne échelle pour expérimenter en partant des besoins et irritants au quotidien :

  1. Analyser davantage l’impact du commerce de proximité comme vecteur de transition socio-écologique
  2. Informer et mobiliser le citoyen - consommateur
  3. Expérimenter une réglementation de l’espace public favorisant la logistique urbaine durable
  4. Mettre en œuvre des projets pilotes pour favoriser l’accès au commerce de proximité en mobilité durable et active.

Les efforts en cours pour atténuer les effets négatifs sur l’environnement, la santé, la sécurité du transport de marchandises doivent être poursuivis dans une logique de logistique urbaine durable en tenant compte de cette dimension globale partant du besoin de consommation, afin notamment de pouvoir en maîtriser les impacts de la croissance et limiter les effets de rebond.

Le commerce en ligne est en pleine croissance et s’engage dans la décarbonation du dernier kilomètre, ce qui ne permettra pas de résoudre les autres impacts négatifs sur l’espace public, la qualité de vie, l’emploi etc. La vision d’une ville apaisée, où le lien social est tissé par les interactions de quartier ou de voisinage, a besoin d’arguments étayés et de démonstrateurs pour avoir des chances de s’imposer.

Le commerce de proximité est le grand absent des analyses et solutions actuelles, alors qu’il est le pivot de la ville du quart d’heure. Au regard de ce qui précède nous émettons l’hypothèse que son impact social, environnemental et économique est meilleur que celui du commerce en ligne ou du centre d’achat. Il est urgent de la détailler et d’agir.

Références des graphiques

Page 3 - Graphique 21 « Évolution de la consommation d’énergie par mode de transport au Québec, 1990 à 2018. » p.32

Page 6 -Figure 2 « Schéma distribution traditionnelle Vs distribution du e-commerce »

Page 7- Figure 6 «2030 base case scenario » dans World Economic Forum, The Future of the Last Mile Ecosystem, 2020 , p.12

Page 9 Figure « Carbon footprint comparison » (without search step), p.4

Page 5 Figure 1.3 « Framework du problème de gestion de la chaine logistique à faible teneur en carbone », dans CHELLY Amina, YOUNES Ben, La conception des chaines logistiques à faible teneur en carbone, 2020 [Support papier]