Mythes sur l'évaluation

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Introduction : c’est quoi l’évaluation ?

C’est quoi l’évaluation ?

Prenons une métaphore pour comprendre facilement.

Si je fais un souper et que j'invite des ami-e-s, je veux que mon monde soit content. Je vais suivre une recette (ou pas). Pendant que je cuisine, je goûte, peut-être que j'ajoute du sel. Je continue. A la fin je vais manger et juger de la qualité de mon plat. Je peux aussi demander à mes invité-e-s ce qu'ils et elles en pensent. Ils et elles se sentiront peut-être mal â l'aise de me dire la vérité puisque j'ai cuisiné pour eux. Ou peut être qu'au contraire ils vont me donner des conseils ou encore me féliciter. Et surtout, la prochaine fois que je fais un plat, je vais peut être changer des choses, noter les ajustements faits à ma recette etc.

En fait, on a des réflexes évaluatifs au quotidien !

Par contre, dans le cadre d’un projet, on a souvent une structure, une démarche plus rigoureuse. Mais le principe reste le même : porter un jugement sur quelque chose, vérifier si on atteint ce qu'on voulait atteindre... De préférence en demandant aux premières personnes concernées !

Mythe 1 : Évaluation et reddition de compte : du pareil au même ?

Un mythe tenace !!

L'évaluation, ce n’est pas de la reddition de compte, même si l'évaluation peut et va souvent soutenir la reddition de compte.

C'est une question complexe qui mériterait une recherche en soi !

Dans les dernières années, la confusion entre évaluation et reddition de compte n'a fait que s'accentuer, notamment en raison de demandes croissantes des bailleurs de fonds en matière d'évaluation. Mais il ne faut pas oublier que les objectifs de la reddition de compte et de l'évaluation sont différents :

  • Dans l'évaluation, on veut porter un regard critique pour améliorer et valoriser nos actions et notre organisation.
  • La reddition de compte, comme son nom l'indique, a pour objectif de rendre des comptes sur les sommes allouées.

Pour plus d'informations à ce sujet, voir le Rapport de recherche : Analyse des pratiques d'évaluation dans le milieu communautaire (SAC-UQAM, 2022) (à venir)

Mythe 2 : On va m'évaluer comme personne

Attention on ne parle pas d’évaluation du personnel ! On parle d’évaluation des activités et projets.

L'évaluation du personnel est un domaine différent, qu'on retrouve plutôt dans le milieu des ressources humaines.

Quand on évalue les activités d'une organisation, il ne s'agit pas de juger du travail des travailleurs-euses ou intervenant-e-s mais bien de comprendre comment les activités sont menées et leurs effets sur les participant-e-s. Au contraire, l'évaluation des activités peut même permettre de valoriser et reconnaitre le travail de l'équipe, puisqu'on y entend bien souvent des commentaires positifs de la part des participant-e-s aux activités !

Mythe 3 : L'évaluation c'est comme la recherche

Même si on confond souvent les deux, évaluation et recherche sont deux disciplines distinctes.

C'est vrai que les méthodes peuvent être similaires, mais on n'a pas les mêmes objectifs.

La recherche vise l'élargissement des connaissances ; on fait de la recherche pour comprendre.

En évaluation par contre, on veut comprendre, juger et prendre des décisions pour s’améliorer.

Enfin, d'autres aspects qui distinguent évaluation et recherche : les lieux d'application, la temporalité (les projets de recherche sont souvent plus longs que les démarches d'évaluation !) et les études ou le diplôme que détiennent les professionnels de ces deux milieux (chercheurs et chercheuses VS évaluateurs-trices).

Mythe 4 : L'évaluation c'est le rôle d'un-e évaluateur-ice externe

Tout d'abord l'évaluation ce n’est pas la responsabilité d’une seule personne ! Les démarches d'évaluation impliquent souvent plusieurs parties prenantes : les équipes, les participant-e-s aux activités, les partenaires, des spécialistes en évaluation... Surtout dans le cadre d'une démarche d'évaluation participative !

Certaines organisations décident de faire appel à un-e consultant-e externe spécialisé-e en évaluation, et ce pour plusieurs raisons : elles n'ont pas les compétences ou le temps requis à l'interne, elles préfèrent avoir un oeil externe, elles veulent plus de "crédibilité", etc.

Toutefois, plusieurs organisations décident aussi de mener les démarches d'évaluation à l'interne, que ce soit grâce à une ou des personnes dédiées à l'évaluation au sein de l'équipe, via un comité d'évaluation, ou que ces tâches soient incluent dans le mandat d'un-e membre de l'équipe.

Enfin, il existe des formules hybrides comme le fait de mener une démarche à l'interne mais en étant accompagné par un spécialiste ou une organisation spécialiste, ce qui peut permettre d'être soutenu et formé et de renforcer son autonomie en évaluation.

Il existe donc un éventail de façons de faire, selon les besoins et les capacités de chaque organisation !

Mythe 5 : L'évaluation c'est plate ! C'est compliqué !

Même si l'évaluation peut sembler une démarche laborieuse, elle nous donne des informations précieuses sur nos projets, et surtout elle n'est pas obligée de suivre un processus traditionnel et académique ! On peut utiliser des outils de collecte de données innovants et conviviaux, comme le photovoix. Il est aussi important de s'assurer que la démarche soit simple et adaptée, notamment en impliquant les membres de l'équipe et les participant-e-s.

Mythe 6 : L'évaluation c'est inutile

Pour s'assurer que la démarche soit porteuse, il est important d'identifier en amont ce que nous avons VRAIMENT besoin de savoir, pour éviter de collecter des données qui ne nous serviront pas. Une autre avenue est de mettre du temps dans l'appropriation, la diffusion des résultats et la concrétisation en pistes d'action, idéalement avec des responsables et des échéanciers. Ainsi on s'assure que l'évaluation aura atteint son objectif d'aide à la décision.

Mythe 7 : Avec l'évaluation je vais tout savoir !

À l'inverse, il ne faut pas penser que l'évaluation est une panacée ! Les informations dont nous disposerons à la fin de la démarche dépendront du type d'évaluation que nous menons (évaluation du processus, évaluation des effets, etc.). Il est illusoire de penser qu'une démarche d'évaluation permettra de répondre à toutes les questions que l'on se pose sur son projet. Il faut forcément faire des choix pour que la démarche soit réaliste et faisable.

D'autre part, comme toute démarche en sciences humaines, le processus d'évaluation a des biais et limites, par exemple selon le type de personnes que l'on interroge, les outils de collecte choisis, etc. Il faut toujours interpréter les résultats avec précaution et les replacer dans leur contexte spécifique.

Mythe 8 : L'évaluation c'est trop long

Une chose est sûre, l'évaluation, ça prend du temps ! Il faut y dédier des ressources, notamment humaines, pour mener à bien la démarche. Toutefois, les bénéfices sont plus grands que le temps requis, ce qui en fait un investissement.

Au-delà d'avoir des données sur nos projets, ce genre de démarche permet de prendre un temps d'arrêt pour réfléchir sur nos actions.

Il est aussi important de mettre en oeuvre des démarches simples et en accord avec le cycle du projet, pour permettre d'appuyer la prise de décisions.

Mythe 9 : Je vais connaître tous les impacts de mon projet

Le concept d'impacts a le vent en poupe... Mais on l'utilise avec des compréhensions souvent différentes.

En évaluation, il faut utiliser ce terme avec beaucoup de précaution. En effet, l'impact est difficilement mesurable, il s'agit d'un effet à long terme qui requiert souvent de comparer le projet à une situation ou le projet n'existe pas (ce qu'on appelle le groupe contrôle). Sans parler du fait que le mot impact est un anglicisme ;)

De plus, en réalité, l'évaluation peut concerner beaucoup de choses et pas seulement les impacts. Il existe plusieurs types d'évaluation, par exemple si mon projet est tout nouveau et que je veux documenter comment on fait le projet et les obstacles rencontrés (évaluation du processus), ou encore si je veux savoir si mon projet répond à un besoin (évaluation de la pertinence).

Mythe 10 : L'évaluation ça prend des compétences inaccessibles

L'évaluation requiert certes des compétences particulières, toutefois, cela s'apprend ! Certains organismes offrent d'ailleurs des formations et de l'accompagnement en évaluation pour les travailleurs-euses (Centre de formation populaire, Dynamo, CSMO-ESAC, TIESS, etc.) sans que cela ne nécessite de passer un diplôme en évaluation !

L'évaluation est avant tout une démarche réflexive, qui implique de prendre le temps de porter un regard critique sur son action, ce qui est à la portée de toustes !