Récit de la transition : Apprentissages et partage des connaissances
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Définition
Les savoirs et les connaissances ont à la fois un aspect pratique qui les rend utiles au quotidien et un aspect plus abstrait qui nous unit autour d’une signification partagée. Apprendre ensemble et transférer des connaissances entre citoyen·ne·s, praticien·ne·s, milieu de la recherche et entreprises, notamment, est une façon de valoriser les savoirs pour la transition sociale et écologique de nos milieux de vie. Nous croyons en une connaissance qui permet de relier les humains avec leur environnement et qui puise dans l’expérience quotidienne des individus pour produire un modèle de société riche et pluriel.
Ce qu’on déconstruit
Plusieurs acteurs de la société envisagent le développement des connaissances à des fins d’enrichissement économique, comme un « capital » à marchandiser (par la concurrence entre universités, les brevets et droits de propriété intellectuelle, etc.). L’appropriation et le contrôle de l’accès aux connaissances, notamment par l’essor des droits de propriétés intellectuelles et l’avènement du numérique et des données (Big Data), sont aujourd’hui des moyens d’exercer une domination économique et politique sur le monde.
De plus, en conséquence de l’organisation sociale et économique, les savoirs sont hyperspécialisés et complexes, entraînant une plus grande dépendance des gens à un système dont ils n’ont pas une compréhension globale et qu’ils ne maîtrisent pas. Nous pensons que des connaissances orientées vers le bien commun favorisent l’autonomie des individus au sein de notre société en facilitant l’apprentissage et le transfert. Cela facilite aussi la « déconstruction » collective de plusieurs croyances et conditionnements au cœur des phénomènes de discrimination systémique et des injustices épistémiques.
Ce à quoi on aspire
Nous aspirons à un monde au sein duquel les connaissances sont considérées comme des richesses collectives, sont accessibles à tous et toutes, sans être appropriées par une minorité et uniquement disponibles contre de l’argent. Pour favoriser l’autonomie des personnes, les connaissances sont partagées dans un souci d’équité et de justice sociale, en s’assurant de l’accessibilité à la connaissance, et chaque citoyen·ne dispose de temps pour s’informer, s’éduquer à la politique et s’engager. L’éducation et le partage des connaissances deviennent alors le moteur de notre société. Toutes les formes de savoirs issus des différentes cultures (expérience, connaissances) sont valorisées. Nous voulons apprendre collectivement à interroger et déconstruire les préjugés. Il y a du temps et des espaces pour non seulement multiplier les savoirs et les apprentissages, mais aussi pour les partager, les échanger, trouver des façons de les rendre publics et accessibles, entre communautés, territoires, entreprises, etc.
Comment on s’y rend
Démocratiser l’accès aux connaissances et aux savoirs
Il s’agit de donner accès aux connaissances à tous et toutes. Il faut donner du temps à chacun·e pour l’apprentissage, mais aussi favoriser l’accès à l’éducation. Cela passe notamment par la gratuité scolaire et l’accompagnement des personnes les plus vulnérables dans leur parcours d’apprentissage. Le soutien financier et matériel aux étudiant·e·s fait partie des moyens permettant de lever les freins de l’accès aux études. Au cours de la première vague de la pandémie de COVID-19, une aide d’urgence (PCUE) a été mise en place pour venir en aide aux étudiant·e·s ayant perdu leur emploi. Cela montre que nous pouvons fournir des soutiens financiers aux étudiant·e·s qui en ont besoin. Il s’avère que les étudiant·e·s qui occupent un emploi ont plus de difficulté à aller au bout de leurs études (Schuller, 2017).
Repenser nos modèles d’apprentissages
Il s’agit aussi de réfléchir à nos modèles d’apprentissages. Cela passe, d’une part, par la contestation des rapports hiérarchiques et de domination qui existent entre les connaissances et les savoirs (savoirs locaux versus connaissances scientifiques, savoir-faire pratiques ou artisanaux versus connaissances cognitives, sciences sociales versus sciences naturelles, etc.) et, d’autre part, par l’alignement de l’acquisition de connaissance sur les principes d’intelligence collective et de l’apprentissage de savoir et savoir-faire mobilisables dans notre quotidien.
Plusieurs écoles de modèles dits « alternatifs » inspirés de théoricien·ne·s de l’éducation (Montessori, Freinet, etc.) voient le jour dans le monde. Ces modèles se focalisent généralement sur l’idée que l’enfant peut être acteur de son propre apprentissage et suivre son propre rythme et ses propres intérêts et préconisent l’utilisation de méthodes d’apprentissages ludiques ou l’exploration de l’environnement naturel, par exemple.
Au Québec et ailleurs au Canada, des centres d’apprentissage autochtones sont implantés dans des écoles ou des universités. Ils ont pour objectifs de valoriser les connaissances autochtones et de les rendre accessibles aux étudiant·e·s. À titre d’exemple, le Centre d’apprentissage de l’Université Saint-Paul vise à créer un cadre d’étude accueillant pour les étudiant·e·s autochtones par des enseignements, des bourses et un accompagnement psychosocial, mais aussi à sensibiliser le corps professoral et le personnel aux cultures et connaissances des Premières Nations.
Faciliter la circulation des connaissances
Créer du lien entre personnes de différents milieux permet de mieux faire circuler les connaissances. Les communautés dans lesquelles on évolue (de voisinage, au travail, etc.) peuvent nous aider tout d’abord, à partager les différents apprentissages, à nous donner les clés pour nous auto-éduquer, à développer de nouvelles compétences, dans l’objectif de développer l’autonomie. L’apprentissage en ligne peut être un outil intéressant, et ces apprentissages peuvent être partagés avec ceux et celles avec qui on est en lien. Wikipédia est un outil formidable de circulation des connaissances à l’échelle mondiale. Ce commun de la connaissance est financé, géré, alimenté par une communauté de citoyen·ne·s. C’est aussi le plus grand commun de la connaissance produit à ce jour. La circulation de connaissances et d’œuvres est également facilitée par l’instauration de plus en plus courante de licences Creative Commons.
Un apprentissage par le faire-ensemble
Au niveau local, il est possible de réapprendre à faire les choses ensemble par le biais de projets locaux et collectifs. On peut imaginer créer des réseaux de partage de connaissances dans un voisinage pour, par exemple, du jardinage à la maison. Cela peut aussi prendre la forme de lieux communs d’apprentissage et d’échanges. Le programme Partage ta terre, mené par Solon, vise à jumeler des voisin·e·s qui veulent prêter leur terre et avec des personnes qui veulent jardiner. Cet échange donne lieu à du partage de connaissances entre voisin·e·s en jardinage et en agriculture urbaine.
S’outiller pour appliquer nos connaissances, savoirs, savoir-faire
Les espaces collectifs que nous mettons en place nous permettent d’avoir accès à des outils et des matériaux pour appliquer nos connaissances et les mettre à contribution dans les projets menés par la communauté. Les FabLab sont des exemples de cet accès à des connaissances et des outils dans la logique de la démocratisation des connaissances et des savoir-faire. Des machines coûteuses sont mises à disposition des usagers pour réaliser leur projet, prototyper de nouveaux objets, tester un outil, etc. Ils permettent de tisser des liens entre des personnes détenant un savoir et ceux et celles en ayant besoin pour un projet donné ou souhaitant apprendre. L’échofab à Montréal est un des premiers espaces communautaires consacrés au numérique. On y trouve plusieurs outils (imprimante 3D, découpeuse laser, machines à coudre, fraiseuse, etc.) et on peut y suivre plusieurs ateliers pour apprendre à les utiliser. De plus, les FabLabs de partout au Québec se sont regroupés (Coopérative FabLabs Québec) et offrent par l’entremise de leur wiki un espace collectif de travail et de partage d’information.
Faciliter la coproduction des connaissances et le croisement des savoirs
Le croisement des savoirs permet le dialogue entre les savoirs issus des expériences de vie avec ceux des spécialistes (scientifiques, praticien·ne·s), dans le but de créer des connaissances et des actions plus complètes et inclusives. Pour transformer nos milieux de vie et y améliorer les conditions d’existence, nous partons de la parole citoyenne et nous nous inspirons des expériences de vie individuelles. Cette méthode conduit à donner de la crédibilité aux savoirs des personnes les plus vulnérables au même titre que les savoirs scientifiques ou experts. Il s’agit aussi de décoloniser et décloisonner les savoirs et de sortir des hiérarchies « sachant/ignorant ». Nous visons donc la production des connaissances, stratégies et actions collectives qui incluent les voix de toutes les personnes du territoire. Cette méthodologie a été mise en oeuvre par ATD Quart Monde pour faire entendre la voix des plus vulnérables, la rendre crédible au sein des études scientifiques et permettre la production de solutions (projets collectifs, politiques publiques et programmes) inclusives par et pour ces personnes. Au Québec, le groupe ATD Quart Monde a conduit une recherche sur les discriminations subies par les personnes en situation de pauvreté dans le réseau de la santé. Cette recherche impliquait des personnes en situation de pauvreté, du personnel de la santé et des chercheurs et chercheuses. Elle a abouti sur une prise de conscience des inégalités face aux systèmes de santé, de l’iniquité dans les soins donnés aux personnes les plus vulnérables, et des barrières entre elles et les professionnel·le·s de la santé (Loignon et al., 2015).