Parlons de pouvoir avec le concept de rank

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Le concept du "rank" (ou rang, statut, ...) a été présenté à l'équipe de Solon par l'organisme Lupuna lors de ses réflexions sur le rapport au pouvoir en contexte d'autogestion (mars 2024). L'équipe a beaucoup aimé ce concept qui rassemble plusieurs facettes du pouvoir dans un même cadre et souhaite l'utiliser à l'interne pour soutenir les conversations sur le sujet.e

Définition de rank*

Le pouvoir que nous avons par rapport à l'autre - dans nos relations, dans les groupes, dans notre communauté, dans le monde. Le rank est la source de nos privilèges: nos privilèges découlent de notre rank, il s'agit des bénéfices et avantages auxquels nous avons accès de par notre rank.

*Tel que compris et étudié dans l'approche du Process Work, développée par Arnold et Amy Mindell

À tenir en compte

  • Le rank est toujours là, que nous le voulions ou pas, que nous en soyons conscient-es ou pas.
  • On ne peut par le cacher, on ne peut pas (se) l'enlever.
  • Dans l'absence d'autres indices (titre, rôle, poste, etc.), les autres nous identifient à notre rank par la façon dont nous nous exprimons (langage verbal et non-verbal).
  • Les autres agissent avec nous comme si nous étions conscient-es de notre rank.
  • Chacun de nous a un ressenti propre de son rank qui est déterminé par une grande variété de facteurs.
  • La plupart des personnes sont plus conscientes de là où elles trouvent qu'elles ont moins de rank et moins de conscientes de là où elles en ont beaucoup.

Le sens de ce travail

Avant d'aller plus loin, soulignons que le sens du travail autour du rank est d'en être plus conscient-es afin de l'utiliser de façon judicieuse et au service du groupe. Dans une situation où on a du rank, il est important de se rappeler qu'on ne peut pas le mettre sous le tapis, ni tenter d'en faire une abstraction en pensant contribuer ainsi à une forme d'égalité avec les autres.

En effet, la façon la plus efficace de tendre vers le partage du pouvoir est plutôt de miser sur notre rank pour soutenir les voix ou les personnes qui semblent en avoir moins.

Les quatre types de rank

  1. Rank social
  2. Rank contextuel
  3. Rank psychologique
  4. Rank spirituel

Rank social

Nous avons plus ou moins de rank social si nous appartenons ou si nous sommes perçu-es comme appartenant à un groupe dominant la société.

Le rank social ets fondé sur des catégories et des hiérarchies sociales et culturelles, par exemple: couleur de peau, classe sociale, genre, âge, nationalité, religion, orientation sexuelle, niveau d'éducation, état de santé, habiletés physiques, langues parlées, etc.

Quand nous avons beaucoup de rank social, nous sommes rarement au courant que nous en avons. La plupart du temps, il est inconscient et invisible, comme l'air que nous respirons.

Rank contextuel

Chaque groupe ou organisation a ses propres structures de rank. Ainsi, le rank contextuel varie et dépend de chaque groupe ou situation dans laquelle nous nous trouvons.

Un PDG, les gestionnaires et les stagiaires, ont toustes accès à des niveaux de pouvoir différents selon leurs rôles dans l'organisation.

De plus, le PDG peut avoir beaucoup de pouvoir au sein de l'organisation mais se sentir complètement impuissant à la maison. Un mouvement spirituel peut accorder beaucoup de valeur à l'introspection et à la contemplation, alors qu'un groupe qui partage l'intérêt de la psychologie peut privilégier la communication et la facilité à exprimer ses émotions.

Par ailleurs, le rank contextuel peut aussi être tacite ou implicite. Même dans l'absence d'une hiérarchie clairement définie, tout le monde sait qui sont les leaders, quelles voix sont respectées et quelles voix sont ignorées, voire ridiculisées.

Le rank contextuel varie selon le contexte. On prend conscience de notre rank contextuel quand on passe d'un groupe à un autre et qu'on se rend compte que la façon dont on est perçu est différente.

Rank psychologique

Le rank psychologique ne découle pas de la culture ou du contexte. Il s'agit de l'expérience que nous gagnons ou pour laquelle nous travaillons tout le long de notre vie. Il est vécu comme un sentiment de sécurité intérieure et de confiance en ses capacités à prendre soin de soi.

Il peut découler du fait d'avoir traversé des expériences plus difficiles et même souffrantes et d'en ressortir avec plus de force et de compassion (pour soi et pour les autres). Il peut être aussi le fruit d'un travail intérieur, de thérapie ou d'introspection.

Même si le rank psychologique n'est pas nécessairement reconnu comme une source de pouvoir par la culture dominante, il est toujours présent dans les interactions et ses effets et impacts se font ressentir par toutes les parties.

En général, les personnes avec du rank psychologique ont confiance en elles-mêmes, peuvent prendre du recul («se voir aller») et ont une bonne connaissance de soi. Elles sont capables de s'exprimer de façon articulées, parfois même face à des forces sociales puissantes. Elles arrivent aisément à connecter avec les autres, à contribuer dans une diversité de situations et à composer avec des environnements tendus sans perdre leurs moyens.

Exemples d'expériences qui cultivent le rank psychologique:

  • Avoir été reçu-e et avoir eu ses perceptions validées par l'entourage dans l'enfance;
  • Recevoir de l'amour et du feedback positif de notre entourage (ami-es, collègues, communauté);
  • Appartenir à une communauté qui nous apprécie et nous soutient tel-le que nous sommes;
  • Confronter à nos plus grandes peurs.

Rank spirituel

Beaucoup de personnes ont ce qu'on appelle du rank spirituel. Elles font l'expérience d'un sentiment de connexion à quelque que chose de transcendant ou de divin qui leur permet de rester centrées et ancrées, même en plein cœur de la tempête.

En leur compagnie, on bénéficie d'un sentiment de paix et de calme qui se dégage de ces personnes. Souvent, elles jouent un rôle de rassembleuses, donnant aux autres l'envie de les rejoindre.

Le rank spirituel est indépendant de la société, de la culture, de la famille et du monde. Il s'accompagne d'une conviction profonde et inébranlable (ce qu'on appelle en anglais "having justice on our side") qui permet de dépasser les obstacles et rallier les forces vives autour d'un idéal, d'une cause ou d'un projet de société.

Exemples d'expériences associées au rank spirituel:

  • expériences hors de l'ordinaire (états altérées de conscience ou de "peak");
  • Appartenance à une culture qui reconnaît et valorise les expériences spirituelles;
  • La transmission directe d'un guru (appelée shaktipat);
  • la perte, le deuil, la mort d'un proche ou le trauma;
  • avoir traversé une grande souffrance;
  • ressentir un appel ("calling") qui nous donne le sentiment d'être en lien avec la raison profonde de notre existence.

Récapitulatif des types de rank

  • Les types de rank qui viennent de l'extérieur (extrinsèques):
    • Social: qui découle de l'appartenance aux groupes dominants de la culture ou de la société;
    • Contextuel: qui change en fonction du contexte et qui dépend de celui-ci;
  • Ceux qui viennent de l'intérieur (intrinsèques):
    • Psychologique: acquis à travers leur expérience de vie;
    • Spirituel: qui découle du fait d'avoir le sentiment d'expérimenter avec une connexion à quelque chose de plus grand, de transcendant.

La fluidité du rank

Il est très important de saisir que le rank fluctue en fonction de nos relations, de ce à quoi ou à qui on se relie (groupes ou individus). Ce n'est pas un état figé. Travailler avec le rank ressemble moins à en prendre une photo et plus à développer une conscience en temps réel des façons dont le rank et les dynamiques de pouvoir se jouent dans une situation ou une interaction donnée.

Mise en pratique

Choisissez une relation ou une situation pour laquelle vous aimeriez avoir plus de clarté quant à la dynamique de pouvoir et de rank (peut-être même qu'une tension ou un conflit est présent) et posez-vous les questions suivantes:

  1. Où est-ce que je me trouve privilégié-e ou avec plus de rank? Est-ce en lien avec mes compétences, mon niveau d'éducation, mon genre, mon âge, mon rôle (ou autre élément contextuel), mes expériences de vie, ma démarche spirituelle.?
  2. De quelle(s) façon(s) cela influence-t-il ma manière d'être et d'agir avec cette personne ou dans cette situation? De quelles façons cela se manifeste:
    1. À l'intérieur de moi: émotions, pensées, jugements, histoires, etc.
    2. Dans la relation: paroles émises, lapsus, intonation, langage non-verbal, gestes, actions concrètes, actes «manqués», etc.
  3. Où est-ce que je trouve que j'ai moins de rank?
  4. De quelles façons cela influence-t-il ma manière d'être et d'agir avec cette personne ou dans cette situation? De quelles façons cela se manifeste:
    1. À l'intérieur de moi: émotions, pensées, jugements, histoires, etc.
    2. Dans la relation: paroles émises, lapsus, intonation, langage non-verbal, gestes, actions concrètes, actes «manqués», etc.

Après avoir répondu sincèrement aux questions précédentes, demandez-vous:

  1. Ma perception de la situation a-t-elle changé? Si oui, en quoi le fait d'être plus au courant des dynamiques de rank m'a-t-il aidé à avoir plus de clarté?
  2. À la lumière de ce que J'ai appris, qu'est-ce que j'aimerais faire différemment pour contribuer à l'évolution de la situation?

Pour aller (un peu) plus loin

Après avoir fait l'exercice précédent, vous pouvez explorer aussi:

En lien avec la question 1 (là où j'ai du rank):

  • Est-ce quelque chose que je reconnais en moi facilement?
  • Suis-je à l'aise à l'idée d'avoir ce rank, ou est-ce quelque chose qui me met mal à l'aise et/ou que je tente de mettre de côté (consciemment ou inconsciemment)?
  • Y a-t-il des situations où cela devient plus ou moins facile? À mon avis, pourquoi?
  • Comment puis-je me soutenir pour être plus à l'aise avec mon rank et l'utiliser consciemment au service du nous (sachant que cela va dépendre de la situation)?

En lien avec la question 4 (la façon dont le rank que je trouve ne pas avoir influence ma façon d'être et d'agir):

  • À quel point est-ce connu et familier? Ça peut aider énormément de l'amener dans le corps (posture, démarche, sensations physiques, vitalité globale, regard, intonation, etc.);
  • Depuis quand? Quand est-ce que j'ai appris à me mouvoir de cette façon-là dans le monde?
  • À ce moment-là, qu'est-ce que j'essayais d'obtenir ou en quoi est-ce que cela m'aidait à recevoir ce dont j'avais besoin (amour, sécurité, réconfort, subsistance, etc.)?
  • Aujourd'hui, est-ce toujours une façon adaptée et efficace de combler mes besoins et d'être en relation avec les autres?
  • Quelles autres stratégies ou quels comportements seraient plus adaptés pour combler mes besoins en étant qui je suis aujourd'hui? Lesquels aimerais-je essayer?

Remerciements

Merci à Lupuna, créatrice de ce document.

Merci à la pratique du Process Work et plus particulièrement au Process Work Institute de Portland, Oregon.

Les notions présentées dans cette page wiki proviennent d'un document créé par Lupuna, qui est lui-même issu des guides et enseignements reçus pendant le Winter Intensive de 2019.

Plus spécialement, en ce qui concerne le rank, merci à Ingrid Rose, Bill Say, Rhea, Marissa Seiler, Gary Reiss, Melissa Perry et Julie Diamond.